Le grand fossé des compétences / Combler le fossé

À la recherche d’un emploi de débutant? Apportez votre propre expérience de travail

Si les postes de niveau d’entrée étaient autrefois associés à un premier emploi, ce pourrait ne plus être le cas selon un nouveau rapport du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES). Les résultats d’une étude sur les annonces d’emploi au Canada montrent que les employeurs annonçant un emploi de niveau d’entrée exigent des candidats deux ans d’expérience de travail. Cependant, la majorité des candidats recrutés comptaient plus deux ans d’expérience – et parfois beaucoup plus. 

« Autrefois, un diplôme d’études postsecondaires suffisait à persuader un employeur canadien qu’un candidat à un poste avait les compétences nécessaires pour réussir en milieu de travail, déclarent les auteures du rapport et chercheuses au COQES, Sophie Borwein et Erica Refling. Mais étant donné que le taux d’obtention de diplômes postsecondaires atteint le seuil de 60 % au Canada, il est possible que l’expérience de travail devienne un nouvel indicateur des compétences propices à l’employabilité? »

Description du projet

Cette étude en trois volets fait suite à un débat soutenu au sujet de la prétendue « pénurie de compétences » au Canada et du rôle que jouent l’éducation supérieure et les employeurs dans la constitution d’une main-d’œuvre qualifiée. L’étude documentaire a porté sur le contenu de 316 annonces d’emplois de niveau d’entrée au Canada et sur les réponses à une enquête de suivi auprès de 103 des employeurs. L’étude s’est concentrée sur la manière dont les offres d’emploi de niveau d’entrée ciblant des titulaires de diplômes postsecondaires étaient formulées et sur la manière dont les postes ont été pourvus.

Conclusions

Selon les annonces d’emplois de niveau d’entrée, moins d’un quart des employeurs envisageraient d’employer des candidats sans expérience de travail. En moyenne, les employeurs demandaient plus d’une année d’expérience et certains d’entre eux jusqu’à deux ans. Si les annonces d’emploi exigeaient explicitement une forme ou une autre de formation postsecondaire, près de la moitié des employeurs ne se souciaient ni de la nature du diplôme, universitaire ou collégial, ni du domaine d’études.

L’enquête de suivi a révélé que 84 % des employeurs avaient pourvu les postes annoncés. La majorité (59 %) des candidats retenus au moins trois ans d’expérience de travail et un quart, plus de cinq ans. Sept des 14 employeurs qui n’avaient pas pourvu les postes annoncés ont déclaré que les candidats n’avaient pas assez d’expérience de travail.

Environ 86 % des employeurs ont déclaré être généralement satisfaits des candidats embauchés et 90 % estimaient que le nouvel employé était qualifié pour le poste. Les employeurs valorisaient surtout l’esprit d’équipe, la capacité de communiquer efficacement à l’oral et de solides compétences en informatique.

Selon le rapport, il est difficile de comprendre l’étendue de la pénurie de compétences au Canada, car on ne s’accorde pas sur la nature de cette pénurie. Les employeurs ont tendance à faire référence à trois choses différentes lorsqu’ils parlent des compétences, à savoir les études, les compétences essentielles ou l’expérience de travail. Certains employeurs ont indiqué qu’ils n’étaient pas capables de trouver des travailleurs possédant les titres de compétences ou les connaissances disciplinaires dont ils avaient besoin. D’autres ont souligné que les employés possibles n’ont pas certaines compétences essentielles, par exemple la rédaction, la communication orale et l’esprit d’équipe. Enfin, certains employeurs ont mentionné qu’ils ne sont pas en mesure de trouver des employés « prêts pour le marché du travail », c’est-à-dire des travailleurs ayant des compétences acquises uniquement dans le cadre d’un travail.

« Malheureusement, ces différentes préoccupations des employeurs ont trop souvent été expliquées par une pénurie de compétences, précise l’auteure du rapport, il est donc difficile d’évaluer s’il y a réellement un problème, de cerner ce problème et de déterminer comment il pourrait être réglé. »

Bien que de portée restreinte, l’étude suggère que les diplômés de collèges et universités ont bel et bien les compétences nécessaires pour fonctionner sur le marché du travail. Étant donné l’expérience de travail considérable que doivent avoir les nouveaux employés, on se demande aussi si les candidats retenus venaient d’être diplômés. Les auteurs notent toutefois que le déficit de compétences est une question complexe et que, même s’il n’y a apparemment pas d’importante pénurie de compétences, on des compétences particulières peuvent faire défaut dans certaines catégories professionnelles ou à certains endroits. 

Recommandations / Futurs travaux de recherche

L’étude pose d’importantes questions tant pour les employeurs que pour les établissements d’enseignement postsecondaire. Est-ce que les employeurs préfèrent les candidats ayant accumulé une expérience de travail parce qu’ils estiment que les nouveaux diplômés d’établissements d’enseignement postsecondaire ne sont pas bien préparés au marché du travail ou parce qu’ils refusent d’assumer leurs responsabilités en matière de formation des nouveaux employés? De façon plus générale, quelles compétences les établissements d’enseignement postsecondaire devraient-ils enseigner et quelles compétences devraient être acquises pendant la formation en cours d’emploi? Il faudrait mieux harmoniser les besoins des employeurs à ceux du marché du travail. Pour ce faire, les établissements d’enseignement postsecondaire et les employeurs devraient conclure des partenariats. Cela permettrait de veiller à ce que les diplômés des collèges et universités possèdent les compétences recherchées sur le marché du travail canadien.

Sophie Borwein, chercheuse au COQES et auteure de Le grand fossé des compétences : revue de la littérature et de Combler le fossé, partie I : ce que les offres d’emploi canadiennes ont dit. Elle a cosigné avec Erica Refling, également chercheuse au COQES, le rapport Combler le fossé, partie II : ce que les offres d’emploi canadiennes ont produit.