Catégories

Jackie Pichette et Rosanna Tamburri – Un système agile d’apprentissage permanent est nécessaire maintenant plus que jamais

Les mesures visant à freiner la propagation de la COVID-19 ont porté un dur coup à l’économie. L’emploi en Ontario a connu une chute record de 403 000 emplois, soit 5,3 %, en mars par rapport à février, selon Statistique Canada. Le taux de chômage de la province est passé de 5,5 % à 7,6 %, soit la plus forte hausse mensuelle jamais enregistrée.*

Personne n’aurait pu prédire la gravité des retombées de la COVID-19. Et beaucoup d’incertitude reste quant à la forme que prendra la reprise économique une fois le virus maîtrisé et les restrictions levées — on ne sait pas combien d’emplois seront perdus de façon permanente, quelles industries se redresseront sans problèmes et quelles industries seront changées à tout jamais.

Comme nous l’avons souligné avant, le marché du travail est imprévisible. Et ce n’est pas à cause d’un manque de données ou d’un manque de capacité de recherche; c’est parce que nous ne pouvons prévoir de façon fiable les facteurs qui influenceront le comportement des êtres humains ou des entreprises. Bien que nous ne puissions prévoir les changements précis à venir en raison de cette pandémie ou pour d’autres raisons, nous pouvons nous attendre à du changement et nous y préparer en général. L’une des façons de le faire est de bâtir un système agile d’apprentissage permanent.

Comme l’explique Heather McGowan (en anglais seulement) , le modèle d’apprentissage permanent prépare les étudiants « à perdre leur emploi, souvent. » Au lieu de créer un conduit étroit vers un emploi particulier, un système moderne d’apprentissage permanent permet d’enseigner des compétences transférables dès le début, de la maternelle à la 12e année ainsi qu’au niveau postsecondaire, et complète cette formation de base par des compétences répondant aux besoins d’emplois précis au moyen de programmes courts et souples tout au long de notre vie adulte active.

Le modèle d’apprentissage à vie

Source : Adaptation de McGowan et Shipley (2017)

Les collèges et universités de l’Ontario peuvent jouer un rôle important dans ce processus en enseignant non seulement les connaissances et les compétences dont les travailleurs ont besoin pour une carrière particulière, mais aussi les compétences transférables essentielles, comme la littératie, la numératie et la pensée critique — des compétences qui forment la base d’un apprentissage continu efficace.

Lorsque les apprenants adultes ont besoin d’une requalification ou d’une mise à niveau de leurs compétences, ils doivent pouvoir accéder à des programmes souples dans le cadre desquels l’expérience et l’apprentissage préalables sont reconnus et qui font l’objet d’une évaluation rigoureuse pour en garantir la qualité et la valeur marchande. Ces programmes doivent déboucher sur un titre d’études reconnu par les employeurs et transférable d’un établissement d’enseignement postsecondaire à l’autre afin de favoriser la progression de l’apprentissage. Une récente enquête menée aux États-Unis par le Strada Education Network (en anglais seulement) a révélé que 59 % de ceux qui ont l’intention de poursuivre des études supplémentaires au cours des six prochains mois ont indiqué qu’ils préféreraient des programmes ne menant pas à un grade, y compris des cours mettant l’accent sur le perfectionnement des compétences, les certificats et licences et des sujets d’intérêt personnel. Les répondants étaient répartis également entre ceux qui espéraient acquérir davantage de compétences pouvant servir dans leur carrière actuelle, ceux qui souhaitaient acquérir des compétences pour une nouvelle carrière et ceux qui voulaient poursuivre des intérêts personnels.

Les programmes d’éducation axés sur les compétences (ÉAC) constituent un modèle prometteur de recyclage des travailleurs déplacés et sont particulièrement bien adaptés aux adultes qui doivent assumer de multiples responsabilités. Ces programmes sont souvent offerts en ligne, ont tendance à être asynchrones (ce qui signifie que les étudiants peuvent apprendre la même matière à différents moments et à différents endroits) et sont conçus en consultation avec les employeurs pour répondre aux besoins de l’industrie. Ils mènent à des titres de compétences qui reflètent la maîtrise d’une compétence plutôt que le temps passé en classe, ce qui permet aux élèves qui ont déjà suivi un apprentissage et qui possèdent déjà de l’expérience de progresser relativement rapidement, tout en bénéficiant d’un bon rapport coût-efficacité.

Les établissements offrant des options d’apprentissage souples, comme les programmes d’ÉAC, peuvent aider les personnes qui ont perdu leur emploi à réintégrer le marché du travail. L’Université Western Governors et l’Université d’État de l’Arizona (les deux documents sont en anglais seulement), deux établissements qui offrent des programmes d’ÉAC en ligne, ont connu d’énormes hausses d’inscriptions au cours des dernières années. Lorsque la pandémie a frappé, ils étaient bien placés pour continuer à offrir des programmes en ligne à tous les types d’apprenants, à n’importe quelle étape des études et de la carrière de ceux-ci.

Bien que les programmes d’ÉAC en soient à leurs balbutiements au Canada, il y a des signes de changement, car les établissements d’enseignement partout au pays mettent à l’essai des programmes menant à des titres de compétences de rechange. Par exemple, le gouvernement de l’Ontario finance 14 projets pilotes par l’entremise d’eCampusOntario pour aider les collèges, les universités et leurs partenaires de l’industrie à concevoir des microcertifications – des titres de compétences courts et ciblés qui vérifient la maîtrise des compétences en demande. Il s’agit d’une mesure qui est la bienvenue.

Nos établissements d’enseignement postsecondaire financés par les fonds publics seront sans aucun doute l’un des premiers endroits vers lesquels se tourneront les Ontariens pour leurs besoins changeants en éducation. Les collèges et les universités peuvent aider à atténuer l’incidence du choc économique sans précédent que nous connaissons à l’heure actuelle en mettant au point un système agile d’apprentissage permanent offrant des programmes d’éducation et de formation souples. Bon nombre de nos établissements, confrontés à une baisse à tout le moins temporaire du nombre d’étudiants étrangers, sont bien placés pour offrir le genre de programmes souples dont les apprenants adultes ont besoin — à leur propre avantage également. Les institutions, les gouvernements et les travailleurs devraient saisir cette occasion.

[*Note de ‘’éditeur: L’emploi en Ontario a connu une chute de 689,200 emplois, soit 9,6% en avril par rapport à mars. La taux de chômage de la province est passé de 7,6% à 11,3%.]

Jackie Pichette est directrice, Recherche, politiques et partenariats, et Rosanna Tamburri est gestionnaire, Publications de recherche au COQES.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *