Dans notre mire met en valeur des membres du personnel et blogueurs invités du COQES qui présentent leur point de vue unique sur les tendances, les nouvelles idées et les questions délicates relatives à l’enseignement supérieur. Les opinions exprimées n’engagent que les auteurs.
Entrez les mots postboomer et attentes dans un moteur de recherche, et vous serez probablement bombardé d’une variété de synonymes de sentiment de légitimité, non réaliste et dépendant. L’ironie du processus lui-même mise à part — en tant que postboomer, je m’attends à obtenir sur-le-champ des réponses à toutes mes questions avec un simple clic — l’objectif de l’exercice devient vite apparent. Il est dans l’esprit du temps de considérer (ou de condamner) la génération des postboomers comme une génération qui ne ressemble à aucune autre : exigeante, impatiente, dorlotée et dépourvue de la loyauté traditionnelle à des concepts et des normes au-delà de leur petite personne. Étant membre du groupe en question, j’admets être quelque peu en accord avec cette conclusion générale.
Le monde dans lequel entrent les postboomers ne leur offrira vraisemblablement pas beaucoup de répit : il est désormais normal de changer régulièrement d’emploi et de mettre constamment ses compétences à jour; le baccalauréat traditionnel ouvre des portes, mais ne garantit pas la réussite ni la stabilité; et les niveaux d’endettement n’ont jamais été aussi élevés. Comme c’était le cas avec les générations précédentes, les établissements d’enseignement supérieur sont encore considérés comme des incubateurs où les adolescents deviennent de jeunes adultes, où ils apprennent à penser et à vivre de façon indépendante et où ils se préparent à un avenir prometteur, mais le contexte et le contenu de ce processus évoluent à un rythme inégalé.
Tandis que les postboomers émergent de nos établissements d’enseignement supérieur et pèsent de tout leur poids sur la population active, les sceptiques prétendent que la majorité des diplômés sont mal préparés à la base pour affronter les dures réalités du monde adulte : les postboomers vivent à la maison plus longtemps et prolongent leurs études, ont des attentes irréalistes à l’égard de la réussite, rejettent bon nombre des structures conventionnelles de la société et tendent, malgré leur non-conformisme apparent, à se montrer moins indépendants que leurs prédécesseurs et à se reposer souvent sur leurs parents pour livrer des batailles. Ceci est un tableau sombre de la génération moi d’abord qui est insatisfaite par rapport au statu quo, exige du lieu de travail des concessions jugées impensables par le passé, attache plus d’importance à ses priorités personnelles et est moins disposée à faire des sacrifices pour une carrière ou une entreprise qui ne sont pas à leur goût. Alors que j’observe ma génération à l’œuvre, il est difficile pour moi de ne pas partager ces sentiments.
Pourtant, on entend aussi des commentaires plus positifs où l’on ne fait pas que chanter les louanges de ce groupe plein d’entrain, mais où l’on proclame qu’ils sont au cœur du plus grand projet de transformation de société depuis la révolution industrielle — la révolution numérique. La génération actuelle d’apprenants est citée comme étant la plus créative et la plus innovatrice, la plus collaborative, la plus diverse et, nous l’espérons, la mieux adaptée face aux défis d’une ère de changement rapide. Aux yeux des optimistes, les postboomers possèdent une panoplie de qualités vraiment uniques et nécessaires qui augmentent en fait leurs chances de réussite à une époque de bouleversements et d’incertitude, où l’on repense les institutions traditionnelles et les structures sociales et où de nouvelles façons d’innover définissent de plus en plus notre tissu social.
Mon opinion se situe quelque part au centre, je le crains. Je reconnais (à regret) que de nombreux postboomers ont été tellement dorlotés par des parents omniprésents (« helicopter parents ») que leur capacité de fonctionner en tant que membres productifs et indépendants de la société a été activement sapée dès la naissance. Je dois néanmoins aussi reconnaître que le monde s’adapte aux forces et aux faiblesses de chaque génération. Ce n’est pas comme si la société allait soudainement cesser de fonctionner parce que les postboomers ont pris le pouvoir (n’est-ce-pas? qu’est-ce que vous en pensez?).
Face à un changement structurel de la nature de notre économie et à une transformation culturelle du type de diplômés postsecondaires, il semble inévitable que les universités et les collèges se retrouvent « pris en sandwich » : d’une part, les employeurs ont des attentes plus élevées à l’égard des diplômés postsecondaires, d’autre part, les postboomers exigent un soutien et une préparation accrus de ces établissements. Pour les décideurs et les leaders institutionnels, il peut y avoir une réponse avec des degrés différents ou plusieurs types de réponse, mais une chose est sûre, le rôle de l’éducation postsecondaire dans la société n’a jamais été plus apparent, voire questionné.
Les établissements postsecondaires doivent être souples, tout en étant assez solides pour ne pas céder face à un examen minutieux et à une pression sans précédent du public; pour ce faire, ils doivent être habilités à résister aux tentations présentées par de nouveaux gadgets fantaisie, à des « bouleversements » séduisants et à une génération d’étudiants (et de parents) qui exige de plus en plus une gratification instantanée, par opposition aux fruits d’un dur labeur. Préparer nos étudiants au monde du travail et au monde, tout court, relève toujours de la compétence des établissements postsecondaires. Des adaptations doivent être faites, mais le changement ne se produit pas du jour au lendemain; il ne devrait certainement pas s’agir de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Dans le cadre de la prochaine conférence du COQES, intitulée De l’apprentissage aux gains, nous mettrons en commun des pratiques fondées sur des faits et discuterons de l’avenir de l’enseignement supérieur dans la « nouvelle normalité ». Ce débat est d’une importance cruciale, car on n’obtient pas toutes les réponses avec un simple clic.
-Julian Weinrib, stagiaire en recherche