Le décloisonnement dans les écoles secondaires de l’Ontario devrait être étendu à toutes les matières de base de la 9e et de la 10e année.
L’Ontario est la seule province au pays qui dirige les élèves vers des volets théorique et non théorique dès la 9e année. Les données probantes recueillies en Ontario et à l’étranger montrent que cette pratique désavantage de nombreux élèves, en particulier les élèves racialisés et à faible revenu. Même si l’engagement récent du gouvernement de l’Ontario d’éliminer le cloisonnement pour les cours de mathématiques de 9e année est un bon début, un nouveau rapport publié par le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) préconise le décloisonnement de toutes les matières de base de la 9e et de la 10e année afin que chaque élève puisse choisir parmi tous les cours offerts en 11e année. Le rapport renferme également une série de recommandations visant à améliorer le succès des initiatives de décloisonnement.
En décembre 2019, le COQES et People for Education ont tenu un événement de deux jours qui a permis de réunir des intervenants du secteur de l’éducation (des chercheurs, des éducateurs, des élèves et des représentants du gouvernement et de la collectivité) qui ont fait part de leurs expériences et de leurs points de vue, de leurs recherches sur les parcours des élèves et de leurs idées sur les changements à apporter aux politiques afin d’éliminer les obstacles aux études postsecondaires. Tout au long de l’événement, l’incidence du cloisonnement sur l’accès aux études postsecondaires est un sujet qui est revenu souvent, de nombreux participants ayant fait remarquer que des préjugés individuels et systémiques influent souvent sur les décisions quant au groupe vers lequel l’élève sera aiguillé. Le nouveau rapport du COQES, Décloisonnement en Ontario : historique, données probantes et réflexions des éducateurs, s’appuie sur les échanges qui ont eu lieu lors de cet événement et examine l’ensemble des politiques en vigueur en Ontario, des exemples d’initiatives de décloisonnement et de recherches internationales.
Les participants à l’événement ont affirmé à maintes reprises que la pratique du cloisonnement dès la 9e année forçait les élèves de l’Ontario à prendre des décisions déterminantes pour leur avenir au sujet de leur parcours scolaire et professionnel lorsqu’ils n’ont que 13 ou 14 ans. Selon les données de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), les élèves de l’Ontario inscrits à des cours appliqués obtiennent depuis longtemps des résultats aux inférieurs dans les évaluations provinciales à ceux de leurs pairs inscrits à des cours théoriques. Des travaux antérieurs de People for Education ont montré que cette situation pose problème, en particulier parce que le fait de se retrouver dans le volet appliqué peut nuire à la réussite : « Les élèves ayant un profil scolaire comparable (c.-à-d. des résultats semblables, voire de piètres résultats aux tests de 6e année) ont beaucoup plus de chances de s’améliorer dans les cours théoriques que dans les cours pratiques ». Selon l’OQRE, environ 26 % des élèves ontariens qui ont fait un cours de mathématiques de 9e année ont opté pour la version appliquée en 2017-2018. Les données du conseil scolaire du district de Toronto indiquent constamment que les élèves racialisés, en particulier les garçons noirs et les élèves issus de familles à faible revenu, sont plus susceptibles de s’inscrire à des cours appliqués, et que les élèves issus de familles plus riches sont plus susceptibles de s’inscrire au volet théorique.
Cela a des conséquences importantes sur l’accès équitable aux études postsecondaires. Même si les cours appliqués peuvent mener à des études collégiales ou universitaires, les données du centre de demande d’admission aux études postsecondaires de l’Ontario révèlent qu’entre 2010 et 2016, seulement 33 % des élèves qui ont suivi des cours appliqués de mathématiques et de langue en 9e année ont fait des études postsecondaires directement après l’obtention de leur diplôme, comparativement à 73 % des élèves qui ont suivi des cours théoriques.
Le processus de mise en œuvre du décloisonnement comporte des obstacles, comme en témoigne l’historique des tentatives infructueuses de décloisonnement en Ontario. Les participants à la rencontre ont souligné qu’il était difficile de remettre en question un statu quo qui est soutenu par des points de vue de personnes privilégiées et des systèmes oppressifs. Selon eux, un changement systémique profond requiert l’adhésion et souvent un changement d’attitude des dirigeants, des éducateurs et même des étudiants. Les politiques et les plans de décloisonnement doivent faire en sorte que tous les élèves aient accès à un enseignement rigoureux et à des ressources supplémentaires ou à des cours de transition. On devrait adopter des stratégies comme la mobilisation des intervenants et le perfectionnement professionnel, y compris la formation en matière de lutte contre le racisme à l’intention des enseignants et des administrateurs, pour s’attaquer aux préjugés individuels et systémiques qui ont une incidence sur les attentes et nuisent à la réussite. Il sera également essentiel de faire une évaluation continue des efforts de décloisonnement, car de nombreux participants ont insisté sur l’importance de rendre compte des progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs. Il faut notamment s’appuyer sur des données fiables, comme les résultats de l’OQRE, pour mesurer et démontrer les effets, ce qui aide à obtenir l’adhésion des intervenants comme les éducateurs et les parents.
Le rapport Décloisonnement en Ontario : historique, données probantes et réflexions des éducateurs a été rédigé par Jackie Pichette, Fiona Deller et Julia Colyar.