L’apprentissage intégré au travail (AIT), y compris les programmes d’enseignement coopératif, les stages et les travaux pratiques, est très répandu au Canada; près de la moitié des étudiants de niveau postsecondaire effectuent un AIT dans le cadre de leurs études. La participation à un AIT est associée à des revenus d’emploi plus élevés et à une plus forte probabilité de trouver du travail à temps plein après l’obtention du diplôme. Malheureusement, 35 % des étudiants canadiens de niveau postsecondaire ont raté des occasions d’AIT depuis l’apparition de la pandémie de COVID-19 au début de 2020, des occasions qui leur auraient permis de se préparer au marché du travail. Les investissements effectués après la pandémie dans les programmes d’AIT visent à soutenir les étudiants et les nouveaux diplômés. Toutefois, à moins de chercher à savoir qui peut ou ne peut pas accéder à ces occasions, nous courons le risque d’exclure certains groupes de cette première expérience de travail précieuse et de la reprise économique de l’Ontario.
La non-participation à l’AIT est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur les diplômés de la génération COVID, qui devraient subir des répercussions économiques à long terme, dont des pertes de revenus, des salaires moins élevés et des parcours professionnels perturbés. Les expériences des étudiants face à ces répercussions pourraient être à l’image des résultats de la reprise économique du Canada après la pandémie, alors que les groupes à revenu élevé sont à l’abri des conséquences négatives, tandis que les groupes à faible revenu doivent faire face à des obstacles supplémentaires. Les occasions d’AIT non rémunéré favorisent les étudiants plus fortunés, pour qui le travail non rémunéré pendant des périodes prolongées constitue une solution viable. Les étudiants à faible revenu ou ceux qui ont des enfants pourraient ne pas être en mesure de vivre ces expériences d’AIT ou devoir occuper un emploi rémunéré pour subventionner un stage d’AIT non rémunéré.
La pandémie a vu l’émergence de possibilités d’AIT à distance qui favorisent également les étudiants plus fortunés en milieu urbain, puisqu’ils nécessitent un accès fiable à Internet et à la technologie. Ceci aggrave la répartition déjà inéquitable des possibilités de travail pour les étudiants, particulièrement pour ceux qui vivent dans des collectivités rurales et à faible revenu où l’accès fiable et abordable à Internet constitue un problème permanent pour beaucoup. Le fait de se concentrer uniquement sur l’augmentation du nombre de possibilités de travail offertes ne permet pas de régler les enjeux d’iniquité liés aux occasions d’AIT non rémunéré ou à distance.
Bien que les gouvernements provincial et fédéral aient fait des efforts pour améliorer l’accès à Internet et offrir un soutien financier aux étudiants, d’autres mesures peuvent être prises pour lutter contre les obstacles actuels auxquels font face les jeunes sur le marché du travail. Une stratégie consiste à prolonger la récente modification du Programme fédéral de stages pratiques pour étudiants, qui permet à un plus grand nombre d’employeurs d’avoir accès à des subventions salariales pour les emplois étudiants. Entre autres stratégies, on pourrait octroyer des bourses en matière de technologie pour veiller à ce que tous les étudiants aient accès au matériel nécessaire et offrir de la souplesse quant à la durée des stages ou aux heures de travail afin que les étudiants qui font face à des obstacles ou qui ont d’autres responsabilités puissent avoir plus facilement accès à ces possibilités.
La compréhension des bases en matière d’accessibilité et d’inclusion concernant les occasions d’AIT, ainsi que de la façon dont ces dernières ont pu évoluer durant la pandémie, est un élément des travaux actuels du COQES. Nous étudions les répercussions de la pandémie sur les employeurs et les étudiants et la manière dont ils se sont adaptés à l’AIT à distance. Les résultats de ces travaux fourniront aux institutions et au gouvernement les renseignements nécessaires pour veiller à ce que l’AIT soit plus accessible et inclusif pour l’ensemble de la population ontarienne. Bien qu’il n’y ait pas de solution unique permettant de résoudre chaque problème auquel feront face les jeunes au cours des prochaines années, les investissements dans l’AIT rémunéré et accessible permettront de lutter contre la persistance du chômage, de renforcer la préparation des étudiants à l’emploi, de surmonter les obstacles et, ultimement, de soutenir la future main-d’œuvre de l’Ontario.
Natalie Pilla est chercheuse au Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur.