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David Trick – Trouver des précédents en lien avec une situation sans précédent (première partie) : une autre double cohorte?

David Trick est président-directeur général par intérim du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur

Au COQES, devant la situation en cours, nous avons cherché à savoir s’il existe un événement qui, dans l’histoire de l’enseignement supérieur en Ontario, peut se révéler un tant soit peu digne d’attention à l’heure actuelle. Les analogies du passé ont quelque chose de réconfortant : parce que nous avons surmonté antérieurement certaines épreuves, nous nous sentons actuellement capables de surmonter des épreuves du même ordre.

Ken Steele a établi une analogie intéressante : en Ontario, si de nombreux élèves décidaient de prendre une pause d’études en 2020-2021 et de faire leur rentrée en septembre 2021, serions-nous alors en présence d’une double cohorte d’élèves qui entreprendront des études supérieures, comme en septembre 2003?

Des sondages (voir ici et ici) menés à la fin du mois de mars auprès d’élèves du secondaire aux États-Unis donnent à penser que de 17 % à 20 % de ceux qui avaient l’intention de suivre un programme universitaire de premier cycle à compter de septembre 2020 songent déjà à prendre une pause d’études d’un an ou à concevoir d’autres projets. Il se peut que ces élèves se situent à l’avant-plan d’une vague. En quoi est-ce attrayant pour les élèves, au cours d’une année d’études, de s’inscrire à des cours qui pourraient s’amorcer en ligne pour ensuite devoir déménager sur le campus et courir le risque imprévisible d’être obligatoirement confinés à domicile?

Dans l’éventualité où une telle conception des choses se répandrait jusqu’en Ontario, il s’agirait alors de déterminer si les universités et les collèges risquent de composer avec un nombre gigantesque de demandes d’admission d’élèves canadiens en septembre 2021, mois à partir duquel les élèves en pause d’études poursuivront leur parcours scolaire.

Nous en sommes donc à réfléchir aux retombées d’une double cohorte. En 1999, le gouvernement de l’Ontario a décidé de mettre en place un nouveau cursus au niveau secondaire, lequel s’est traduit concrètement par l’élimination de la 13e année. Tant les derniers élèves issus de l’ancien cursus que les premiers élèves issus du nouveau cursus de 12 années ont obtenu leur diplôme d’études secondaires en juin 2003, de sorte que deux cohortes d’élèves ont cherché simultanément à amorcer leurs études universitaires ou collégiales. (Comme le souligne M. Steele, en réalité, le comportement des élèves s’est révélé un peu plus compliqué que cela.)

Dans la mesure où le gouvernement et le système d’enseignement supérieur ont réussi à répondre aux exigences posées par la double cohorte, les facteurs ci-après ont joué un rôle fondamental :

  1. Il y avait un préavis de quatre ans.
  2. Le secteur universitaire et le secteur collégial, par le truchement de leurs associations respectives, ont convenu de mettre sur pied un groupe de travail avec le gouvernement pour établir des plans en vue de la double cohorte.
  3. Étant donné que le comportement des élèves était suffisamment prévisible, il était possible de modéliser les futures inscriptions avec une certaine assurance.
  4. Les projections en la matière ont annoncé une montée en flèche du nombre d’inscriptions en 2002 et en 2003. Elles ont également montré que, même après la diplomation de la double cohorte, ce nombre allait demeurer élevé en raison de tendances sous-jacentes.
  5. Ces projections ont incité le gouvernement à consacrer plus de 900 millions de dollars à la construction d’immeubles.
  6. Le gouvernement a consenti à assurer le financement intégral du nombre supplémentaire d’élèves.
  7. Les universités et collèges ont consenti à répondre aux besoins des demandeurs en nombre accru, plutôt que d’en profiter pour n’admettre que les meilleurs élèves.

Maintenant, le cadre stratégique de la double cohorte de 2003 s’applique-t-il, en tout ou en partie, à la situation actuelle? Nous pouvons faire abstraction des points 1 et 5, car nous n’avons ni reçu un préavis de quatre ans, ni le temps de construire d’autres immeubles, fussent-ils nécessaires.

Quelques-uns des autres points du cadre stratégique appliqué en 2003 peuvent être prometteurs dans la préparation relative à 2021 :

  • Le point 2 s’est révélé une très bonne idée. La mise sur pied de groupes de travail universitaires et collégiaux a permis de rassurer certains parents inquiets : des personnes compétentes allaient unir leurs efforts pour surmonter une épreuve au cœur de l’actualité. Du coup, la tentation des établissements d’enseignement et du gouvernement de recourir aux médias pour se transmettre des messages s’en est trouvée réduite. La direction de chaque établissement d’enseignement a obtenu en quelque sorte l’assurance qu’elle ne serait pas dupée par des homologues de nature entreprenante.
  • Le point 3 – la modélisation des futures inscriptions des élèves – est actuellement impossible à concrétiser, mais ses possibilités de concrétisation s’amélioreront à l’hiver, dès que seront connues les données sur le premier cycle de demandes d’admission des élèves pour septembre 2021.
  • Le point 4 montre l’importance de mettre en lien les éventualités à court terme avec celles à moyen terme. La façon de traiter les éventualités à court terme peut soit faire naître des occasions à moyen terme, soit les tuer dans l’œuf par mégarde.
  • Le point 6 constitue le meilleur outil dont dispose le gouvernement afin que les universités et les collèges puissent admettre en leur sein des demandeurs qualifiés. Cependant, pour financer intégralement les élèves inscrits en nombre accru, il faudra apporter aux nouveaux modèles de financement des ajustements notables.
  • Le point 7 risque d’éprouver notre système. En effet, si un accroissement marqué du nombre de demandes présentées par des élèves canadiens ainsi que des élèves étrangers était constaté en septembre 2021, il se pourrait que des débats houleux fassent rage quant aux élèves à qui il faut donner la priorité.

(Par souci de transparence, sachez que j’étais le sous-ministre adjoint à l’enseignement postsecondaire lors de l’établissement de plans en vue de la double cohorte de 2003. Dans la mesure où la stratégie s’est révélée fructueuse, il faut en attribuer le mérite aux personnes très brillantes avec qui j’ai collaboré au gouvernement de même qu’aux partenaires tout aussi brillants au sein des universités et des collèges.)

La double cohorte de 2003 n’avait rien d’une pandémie, mais la façon dont elle a été traitée fournit de prometteuses pistes de réflexion sur la manière de faire face à une éventuelle conjoncture éprouvante en 2021.

D’autres analogies du passé peuvent également se révéler pertinentes. À suivre la semaine prochaine…

David Trick est président-directeur général par intérim du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur

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