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Donna Kotsopoulos – Une réingénierie radicale de l’enseignement des mathématiques

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Blogueuse invitée :
Donna Kostopoulos

De récents tests normalisés nationaux et internationaux laissent entrevoir un déclin des mathématiques au Canada et maintes autres données probantes confirment ce constant. Les diplômés en mathématiques sont de plus en plus rares. De fait, le taux de rétention dans ce domaine d’études est très faible. Et même quand les étudiants persévèrent, ils ont du mal à terminer leurs études et ont souvent recours à de nombreuses ressources additionnelles pour réussir. Les femmes, en particulier, semblent se désintéresser du domaine, même celles avec une bonne aptitude pour les mathématiques. Il semblerait que nous sommes en train de vivre une crise des mathématiques. Le temps est venu de procéder à une réingénierie radicale de l’enseignement des mathématiques à quasiment tous les niveaux, mais plus encore dans les universités et les collèges, deux établissements où les modes d’enseignement et d’apprentissage des mathématiques semblent figés dans le temps.

Les étudiantes et étudiants d’aujourd’hui ne ressemblent pas à ceux d’avant. D’une part, ils sont technologiquement futés. D’autre part, ils ont fait de l’engagement social un mode de vie qu’ils jugent applicable à leurs apprentissages. Grâce aux initiatives d’accès et à la multiplication des pistes à l’échelle du secteur postsecondaire, les étudiantes et étudiants ont maintenant l’embarras du choix et ont l’occasion de vivre plus d’expériences d’apprentissage que jamais auparavant.
Les universités accueillent de plus en plus de femmes. Les étudiantes et étudiants tendent à posséder des habiletés de plus en plus variées et à avoir plein d’idées sur les façons d’apprendre. Telle est la réalité les étudiantes et étudiants d’aujourd’hui.

Les méthodes traditionnelles utilisées quasi exclusivement pour répondre aux besoins de l’étudiant de mathématiques « typique » doivent être revues. Les collèges et les universités doivent porter une plus grande attention aux façons de concevoir et d’offrir les services de rattrapage; au caractère innovateur de l’enseignement; aux relations qui lient les étudiants les uns aux autres, au département et au corps professoral; et au plan de recrutement stratégique axé sur les femmes. La bonne volonté d’attirer des étudiants différents ou mieux préparés ne constitue pas en soi une option valable.

Le faible nombre d’étudiants diplômés en mathématiques, ou qui réussissent une mineure en mathématiques ou, même, qui suivent des cours de mathématiques après le secondaire constitue un problème pour les apprenants de tous les niveaux. L’Ontario forme très peu d’enseignantes et d’enseignants de l’élémentaire spécialisés en mathématiques. Plus inquiétant encore, beaucoup d’enseignantes et d’enseignants de l’élémentaire tendent à ne pas avoir suivi de cours de mathématiques de niveau postsecondaire, hormis ceux requis pour le diplôme en enseignement.

À l’heure actuelle, on n’offre aux enseignantes et enseignants que 30 à 36 heures de formation en mathématiques et cette formation met l’accent sur la pédagogie plutôt que sur le contenu. Ceci est nettement insuffisant. Présentement, quelqu’un peut devenir enseignant même s’il ne sait rien de plus sur les fractions à la fin de son cours qu’au début. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants sont d’avis que leur formation dans cette matière laisse à désirer. Faut-il se surprendre?

À compter de 2015, les universités ontariennes commenceront à offrir un diplôme en enseignement de deux ans. Malheureusement, doubler le nombre d’années d’études requis pour l’obtention d’un diplôme en enseignement ne garantit aucunement une meilleure formation en mathématiques. Même si certaines universités décident d’offrir plus de formation en mathématiques aux programmes révisés, rien n’obligera les autres à faire de même. En outre, il se peut que le contenu des cours de mathématiques reste largement centré sur la pédagogie. Par conséquent, il se pourrait bien qu’on trouve encore dans les écoles des enseignantes et des enseignants qui ont de la misère avec les fractions. Pour que les enfants réussissent mieux en mathématiques, on a besoin d’enseignantes et d’enseignants avec une formation différente et supérieure. La réorientation vers un programme d’études de deux ans aurait pu constituer l’occasion parfaite de modifier la formation des enseignantes et enseignants à l’échelle systémique.

Pour l’instant, personne n’assume sa part de responsabilités à l’égard de la crise de mathématiques actuelle. Chaque niveau d’enseignement distribue le blâme à droite et à gauche et tient le niveau inférieur responsable. Dans les universités et les collèges, les professeurs se lamentent que les étudiantes et étudiants de premier cycle sont mal préparés, ce qui nuit à leur réussite. Les enseignantes et enseignants du secondaire expriment les mêmes doléances à l’endroit des élèves de l’élémentaire. Les écoles embaucheraient plus de spécialistes en mathématiques pour enseigner le sujet aux élèves si seulement plus d’enseignants étaient experts en la matière. Les élèves réussiraient mieux à tous les niveaux et plus de filles poursuivraient leurs études en mathématiques avec plus d’efforts. Face à l’échec, la prise de responsabilité demeure illusoire et ténue.

Les universités et les collèges doivent faire les choses différemment. On a urgemment besoin d’une vision plus audacieuse et progressiste de la réussite en mathématiques. Le changement requis pour contrer la trajectoire déclinante des mathématiques (tant au niveau des réalisations que de la participation) exigera un changement de cap monumental en matière de responsabilité chez les instances à la barre – les éducateurs, les gestionnaires de postsecondaire et le gouvernement. Il va de soi que les étudiantes et les étudiants doivent aussi faire leur part. Cela dit, il importe aussi que les universités offrent à la population étudiante des choses valables pour concrétiser cette vision.

-Donna Kotsopoulos

Donna Kotsopoulos, professeure agrégée, faculté de l’éducation et faculté des sciences, département de mathématiques, université Wilfrid Laurier.


À notre avis, les blogueuses et blogueurs invités expriment leurs propres avis, et pas nécessairement ceux du COQES.

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