Dans un rapport que nous avons publié plus tôt cette année, nous écrivions que l’accès aux études postsecondaires commence tôt dans la vie d’un élève et que tous n’ont pas la même chance à ce chapitre. Nous savons que les jeunes qui proviennent de familles à faible revenu et de première génération (ceux dont les parents n’ont pas fait d’études postsecondaires) ont beaucoup de difficulté à y accéder.
Mais que se passe-t-il après l’obtention du diplôme? Avons-nous uniformisé les règles du jeu? Les études postsecondaires constituent-elles un important facteur égalisateur pour les diplômés qui intègrent le marché du travail, quel que soit leur point de départ dans la vie? Grâce aux travaux innovateurs de Statistique Canada qui relient des ensembles de données et les mettent à la disposition des chercheurs, nous pouvons commencer à répondre à ces questions.
Nous pouvons confirmer que les étudiants de première génération ont de la difficulté à accéder aux études postsecondaires. Et maintenant, nous pouvons montrer que les étudiants qui y accèdent et qui terminent leurs études obtiennent de meilleurs résultats sur le marché du travail que les étudiants de première génération qui ne le font pas, ainsi que les diplômés qui ne sont pas de la première génération. Pour ces étudiants, les études postsecondaires leur donnent de meilleures chances.
Nous observons la même dynamique en examinant le revenu familial. Marc Frenette de Statistique Canada vient de publier un document, commandé par le COQES, qui traite exactement de cette question. Dans l’ensemble, la tendance en matière d’accès est semblable. Les étudiants à faible revenu continuent d’éprouver de la difficulté à accéder aux études postsecondaires. La bonne nouvelle, c’est que l’écart se referme et que les étudiants à faible revenu sont en proportion plus nombreux qu’auparavant à accéder aux études postsecondaires.
Et une fois qu’ils ont obtenu leur diplôme? L’analyse de Frenette montre que les diplômés issus de milieux à faible revenu réussissent certainement mieux sur le marché du travail que s’ils n’avaient pas achevé leurs études postsecondaires. Toutefois, contrairement aux diplômés de première génération, ils ne comblent pas vraiment l’écart de revenus qui existe entre eux et les diplômés postsecondaires provenant de familles à revenu élevé.
Il convient de souligner que les études utilisent différents ensembles de données : le document sur le revenu familial repose sur la Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail (PLEMT) et le document portant sur les étudiants de première génération utilise l’Étude longitudinale et internationale des adultes (ELIA). Toutefois, nous avons effectué une analyse du revenu semblable à l’aide des données de l’ELIA et avons constaté la même tendance, avec un effet légèrement inférieur.
Qu’est-ce que cela nous indique?
Nous entrons dans un monde de nouvelles données. Les ensembles de données de l’ELIA et de la PLEMT sont vastes, et nous commençons à peine à exploiter leur potentiel. Pensez à ce que nous pourrions faire avec l’ajout du numéro d’immatriculation scolaire de l’Ontario (NISO). Nous avons fait état de la puissance et de la possibilité de ces données dans d’autres articles; la province doit rendre le NISO disponible.
Les nouvelles données confirment que les études postsecondaires constituent un levier important qui permet aux personnes habituellement marginalisées d’améliorer le rendement sur le marché du travail. Il est intéressant de souligner que même si la situation des étudiants de première génération et celle des étudiants qui sont issus d’une famille à faible revenu sont étroitement liées dans la population, les deux groupes obtiennent des résultats différents sur le plan de l’égalité sur le marché du travail après l’obtention du diplôme. Il faudra faire plus de recherche pour en comprendre les raisons.
Nous avons également besoin de plus de renseignements pour déterminer si ces effets sont observés dans des sous-populations comme les étudiants handicapés, les immigrants, les étudiants autochtones, les étudiants racialisés ou selon le sexe. Cela viendra.
Nous savons que les écarts en matière d’accès apparaissent dès le début du parcours scolaire. Le problème consiste principalement à accéder aux établissements d’enseignement supérieur, et moins à en récolter les avantages par la suite. Il est temps de remettre en question le rôle de l’enseignement supérieur dans l’amélioration de l’accès. Mis à part la prestation de l’aide financière, l’enseignement postsecondaire accuse du retard dans sa tentative de combler les lacunes en matière d’accès. Le rôle principal du secteur de l’enseignement postsecondaire consiste peut-être à offrir à tous les étudiants un enseignement de qualité et les compétences recherchées sur le marché du travail, et nous devrions envisager d’apporter des changements dans le système de la maternelle à la 12e année, le réseau de la santé et le filet de sécurité sociale pour combler l’écart en matière d’accès.
Fiona Deller est directrice principale de la recherche et des politiques au COQES. Martin Hicks est directeur des données et des statistiques au COQES.