L’approche de l’Ontario pour accroître l’équité de l’accès aux études postsecondaires (EPS) obéit à une logique structurée mais défectueuse : on identifie les étudiants qui ne fréquentent pas le collège, l’université ou un programme de formation en apprentissage, puis on crée des soutiens pour les aider à accéder aux EPS et à réussir une fois là. Cela semble correct, n’est-ce pas? Cela semble logique?
Sauf que cette approche présente (au moins) deux problèmes importants. Premièrement, nous ne savons pas vraiment si les étudiants des groupes sous représentés que nous avons identifiés — étudiants autochtones, étudiants handicapés, étudiants de première génération et étudiants à faible revenu – accèdent ou non aux EPS parce que nous ne les suivons pas à partir du secteur élémentaire et secondaire jusqu’aux études postsecondaires. Nous possédons quelques indications : nous disposons de certaines anciennes données provinciales (tirées principalement de l’Enquête auprès des jeunes en transition qui a pris fin en 2009) et d’éléments de données actuelles des collèges et universités (provenant principalement de sondages institutionnels et des demandes d’admission dans lesquelles les étudiants peuvent volontairement déclarer leur appartenance à un groupe) qui indiquent que les étudiants de certains milieux sont encore sous-représentés. De plus, nous nous appuyons sur des hypothèses éclairées et nos convictions profondes.
Mais comme nous ne suivons pas les étudiants, nous ne savons pas si les taux de participation aux EPS ont augmenté au fil du temps ou si les changements apportés aux politiques, aux programmes et aux stratégies des établissements ont été efficaces. Nous ne savons pas quelles difficultés éprouvent les étudiants de milieux différents et les raisons pour lesquelles ils les éprouvent, ni pourquoi ils ne participent pas aux EPS. Nous ne pouvons pas non plus parler de la complexité des obstacles auxquels font face les étudiants. Y a-t-il une différence de participation entre les étudiants autochtones des collectivités rurales et éloignées et ceux vivant en milieu urbain? Les étudiants handicapés des milieux à revenu moyen ou élevé sont-ils plus nombreux à faire des EPS que leurs pairs à faible revenu?
De plus, ces groupes démographiques ne sont pas seulement réductifs, ils sont immuables. Selon des données récentes, les étudiants de la région du Grand Toronto qui ne poursuivent pas d’EPS semblent provenir de certains milieux racialisés et de la communauté LGBTQ. D’autres études indiquent que les étudiants à faible revenu s’inscrivent en plus grand nombre qu’auparavant aux EPS, même avant les réformes du Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario.
Il y a également la myriade de programmes de soutien aux étudiants. Les collèges, universités, gouvernements, conseils scolaires et groupes communautaires de l’Ontario consacrent des milliards de dollars par année à des programmes destinés aux élèves des quatre groupes susmentionnés. De toute évidence, l’aide aux étudiants (en partie, mais pas entièrement, pour les étudiants à faible revenu) est un élément important. Mais il existe aussi des centres pour les étudiants handicapés et des programmes de financement pour les étudiants de première génération et les étudiants autochtones. Toutefois, si nous n’assurons pas le suivi des étudiants qui les utilisent, comment saurons-nous s’ils fonctionnent?
Il s’agit entièrement d’un modèle d’intrants. Investir dans un service ou un soutien et s’imaginer que le travail est fait. Il s’agit non seulement d’une mauvaise planification financière, mais également d’un mauvais service aux étudiants que nous tentons d’aider. Qu’arrive-t-il si les élèves qui ont besoin de soutien n’utilisent pas ces services? Et si les services que nous offrons ne sont pas ce dont ils ont besoin? Qu’arrive-t-il s’ils ne fonctionnent tout simplement pas?
Les centres d’hébergement pour les étudiants handicapés constituent-ils vraiment la meilleure façon d’appuyer les étudiants ayant une vaste gamme de troubles mentaux, physiques et d’apprentissage? Nous ne le savons pas. La stratégie actuelle augmente-t-elle la participation et le taux de réussite des étudiants autochtones? Nous n’en avons aucune idée. Les étudiants de première génération continuent-ils d’éprouver des difficultés une fois aux EPS? Votre opinion vaut la mienne.
Comment pouvons-nous aider les étudiants lorsque nous ne savons que peu de choses à leur sujet, ou sur la façon dont changent au fil du temps, ou réagissent aux soutiens du système? Nous devons faire deux choses. Nous avons besoin d’une infrastructure de données en Ontario qui nous permette d’en apprendre davantage sur nos étudiants, sur les difficultés qu’ils doivent surmonter dans leur parcours éducatif et sur ce qui les aide à réussir. Et nous devons mettre au point des processus d’évaluation pour tous les mécanismes de soutien aux étudiants. Comment pourrons-nous autrement savoir s’ils fonctionnent réellement?
Et n’est-ce pas après tout la raison d’être d’une stratégie d’accès? En savoir suffisamment sur les étudiants du système pour être en mesure de trouver des façons adaptées et efficaces d’aider ceux qui en ont le plus besoin.
Fiona Deller est directrice principale de la recherche et des politiques au COQES.