Lorsqu’il est question d’initiative stratégique, il importe de faire la distinction entre buts et stratégies. Les buts correspondent à ce que vous voulez réaliser – les résultats que vous souhaitez obtenir. Les stratégies sont les processus et mesures qui peuvent être utilisés pour obtenir ces résultats.
Les stratégies ne sont pas des fins en elles-mêmes, mais plutôt des outils. Elles n’ont pas de valeur intrinsèque – n’étant ni bonnes ni mauvaises. Leur valeur et leur importance sont déterminés par leur efficacité à produire les changements qui permettront d’atteindre les buts visés. Ce sont les buts qui vous tiennent vraiment à cœur et qui fournissent le cadre pour la sélection, la conception et l’utilisation de stratégies.
Le document de consultation du groupe de travail dirigé par Sue Herbert, mis sur pied récemment par le ministère de la Formation et des Collèges et Universités pour élaborer une nouvelle formule de financement du secteur postsecondaire, illustre bien cette confusion entre stratégies et buts. Le document précise quatre buts visés par le gouvernement en mettant au point une nouvelle formule de financement – améliorer la qualité de l’expérience des étudiants; appuyer une plus grande différenciation; assurer la viabilité financière du secteur de l’éducation postsecondaire; et améliorer la transparence et la responsabilisation.
Au mieux, deux de ces principes seulement – améliorer l’expérience étudiante et assurer la viabilité financière des établissements – sont réellement des buts. Les deux autres – appuyer la différenciation et améliorer la transparence et la responsabilisation – sont des stratégies qui peuvent ou non être efficaces pour atteindre les buts souhaités. En fait, même la formule de financement est une stratégie – une stratégie puissante si sa conception et ses incitatifs sont appropriés. Mais, en soi, une nouvelle formule de financement n’est utile que si elle permet d’atteindre les buts que nous poursuivons pour le système. L’équipe de Sue Herbert a toutefois été désavantagée par le manque de clarté entourant les résultats que le gouvernement espérait obtenir grâce à la nouvelle formule de financement. Sans définition précise des résultats, il est impossible de concevoir une nouvelle formule.
L’absence d’un ensemble limité de buts et de résultats souhaités clairement énoncés pour le système postsecondaire public de l’Ontario (oserais-je dire un énoncé de vision?) nuit à la planification et à la prise de décisions relatives au système. Quels sont les buts du gouvernement pour l’éducation postsecondaire? C’est difficile à dire parce qu’il semble y en avoir beaucoup trop (certains en contredisant d’autres) et que leur importance relative semble varier au gré des décisions gouvernementales. Ce n’est pas une bonne chose parce qu’il est impossible de disposer d’un ensemble cohérent, intégré et se soutenant mutuellement de politiques ou une nouvelle formule de financement, ou un plan délibéré, à moins que l’on ait convenu de buts souhaités.
La réalisation d’un important exercice de visionnement présente peu d’intérêt et, selon nous, n’est pas nécessaire. D’après ses analyses du système d’enseignement postsecondaire de l’Ontario ainsi que des signes, des actions et des différents énoncés de politique du gouvernement, l’équipe du COQES suggère les trois objectifs suivants pour le système d’éducation postsecondaire de la province :
- un accès plus équitable pour tous les étudiants et leur réussite;
- des résultats de plus grande qualité : du point de vue de l’éducation, veiller à ce que les étudiants acquièrent les connaissances, aptitudes et compétences nécessaires à leur réussite personnelle et professionnelle, et du point de vue de la recherche, veiller à ce que les travaux savants de nos établissements aient une incidence et à ce qu’ils soient reconnus et concurrentiels sur la scène internationale;
- la viabilité financière accrue du système et de ses établissements.
Nous croyons que ces buts sont parfaitement réalisables. En fait, de l’avis de notre groupe d’experts chargée d’évaluer les présentations d’ententes stratégiques de mandat des établissements postsecondaires de l’Ontario, l’atteinte de ces buts, plus particulièrement du point de vue des étudiants, pourraient propulser le système au rang de chef de file mondial. Qui plus est, l’atteinte de ces buts résulterait en une économie ontarienne plus robuste, plus saine et plus concurrentielle à l’échelle mondiale, à de meilleurs emplois pour les Ontariens ainsi qu’à une qualité de vie supérieure dans la province. Qui refuserait cela?
Si nous convenons que ce sont-là les buts que nous souhaitons atteindre, alors notre tâche est de concevoir les stratégies qui nous le permettront. Les buts sont des aspirations. Les stratégies sont enracinées dans la réalité. Comme le souligne le rapport de Sue Herbert, nous devons être plus efficaces dans notre collecte et notre analyse des données pour décrire de façon réaliste où nous en sommes maintenant et où trouver des possibilités d’amélioration.
Les personnes qui suivent les travaux du COQES ne seront pas surprises d’entendre que nous continuons de croire qu’une politique favorisant une différenciation accrue entre les établissements est une stratégie des plus efficaces pour atteindre les buts susmentionnés. Nous ne pouvons en réalité imaginer comment ces buts peuvent être atteints si nous n’acceptons de manière beaucoup plus vigoureuse et plus stratégique que nous ne l’avons fait jusqu’à ce jour l’idée d’une plus grande différenciation. Nous serions heureux d’approfondir ce point autant que vous le souhaitez si vous nous invitez à le faire.
Il est peu probable que la différenciation comme telle soit une stratégie suffisante pour atteindre les buts que vise selon nous l’Ontario. Il existe d’autres stratégies possibles – y compris une nouvelle formule de financement, un mandat modifié pour le système collégial, une plus grande diffusion publique des données importantes, etc. Cependant, celles que nous choisissons et la manière dont elles sont conçues et utilisées doivent être évaluées et jaugées dans l’optique de leur utilité pour atteindre nos buts et de la probabilité qu’elles le fassent. Heureusement, des données d’autres administrations nous donnent une idée de celles qui présentent le plus de potentiel pour l’amélioration du système d’enseignement postsecondaire de l’Ontario.
Tout commence par l’énonciation claire des buts de notre système postsecondaire. Sans une telle liste, nous ne savons pas quels sont les problèmes que nous voulons régler ou ce que signifie réussite. Certains appelleront cela un énoncé de vision, pour nous, c’est de la bonne gestion.
Merci d’avoir pris le temps de lire ce texte.
Harvey P. Weingarten