Vous attendriez-vous à voyager autour du monde si vous n’aviez pas d’argent?
Une fois exclue l’attente d’un tel voyage, vous donneriez-vous la peine d’acheter un guide touristique, de faire vos valises et de réserver votre vol?
Cette analogie est simpliste, mais on peut se pencher sur le parallèle avec les élèves de niveau secondaire et les études postsecondaires. Les élèves s’attendent ils à faire des études universitaires s’ils estiment ne pas en avoir les moyens? De plus, si ces élèves ne s’attendent pas à fréquenter l’université, qu’est ce qui les motive alors à déterminer leur parcours, à se fixer des objectifs scolaires, ou à présenter une demande d’admission aux universités?
En Ontario, là où le coût affiché des études universitaires de premier cycle est le plus élevé au Canada, que de nombreux élèves ne s’attendent pas à goûter la vie universitaire n’a rien d’étonnant. Il ressort de la recherche que les élèves qui ne s’attendent pas à aller à l’université ont moins tendance à présenter une demande d’admission et sont moins susceptibles de bien réussir à l’école secondaire.
Maintenant, si l’on revient un instant à l’analogie du voyage, imaginez que quelqu’un vous propose de le payer.
L’Ontario revendique l’un des programmes d’aide financière les plus généreux au pays. Depuis le regroupement récent des subventions existantes en une subvention unique et immédiate, la Subvention ontarienne d’études, les élèves ontariens à faible revenu admissibles sont exemptés des droits de scolarité moyens des collèges et universités pendant que d’autres élèves continuent de bénéficier de droits de scolarité fortement réduits. En définitive, malgré le choc causé par le prix affiché, le prix net réel des droits de scolarité en Ontario est relativement bas.
Mais alors, pourquoi les élèves ne sont ils pas plus nombreux à faire leurs valises et à miser sur un grade universitaire? En réalité, de nombreux Ontariens ignorent le prix net des droits de scolarité et surévaluent dans l’ensemble les coûts relatifs aux études postsecondaires, tout particulièrement ceux issus des familles à faible revenu.
Les résultats d’un récent sondage mené par le COQES avec le groupe Academica vont dans le sens de la conception selon laquelle les élèves ne perçoivent pas le tableau d’ensemble (« net »); près de 30 % des étudiants sondés dans les universités ontariennes ont affirmé ne pas savoir qu’ils avaient droit au soutien du gouvernement. N’oubliez pas qu’il s’agit ici de ceux qui ont décidé de fréquenter l’université et trouvé les moyens pour ce faire. Je devine que si le COQES avait sondé les élèves ayant renoncé à l’université, le pourcentage d’élèves ignorant le soutien du gouvernement qui leur est offert serait même plus élevé.
Dans un effort visant à tenter de corriger cette situation et de reléguer les coûts réels, le gouvernement de l’Ontario a également annoncé un plan en vue d’instaurer la facturation des droits de scolarité nets. Cette mesure permettra aux élèves de l’Ontario d’obtenir un récapitulatif des coûts (les droits de scolarité moins l’aide financière) avant leur inscription. Le COQES a récemment examiné d’autres administrations qui offrent la facturation des droits de scolarité nets pour constater que les difficultés administratives liées à ce processus sont considérables, mais que les bénéfices potentiels qui en résultent (sous forme d’un accès élargi pour les élèves) sont fantastiques.
Voilà un plan ambitieux. Puisque la générosité ne pose pas problème ici, une question demeure : ces changements permettront ils de corriger les perceptions faussées quant à la capacité de payer? Tout dépendra de la mesure dans laquelle ces changements sont bien coordonnés (auprès et au sein des établissements d’enseignement) et communiqués.
Le COQES, dont je fais partie, fera tout en son possible pour mesurer et comprendre les effets de la transformation du RAFEO. Il sondera à la fois les élèves et les parents sur leurs perceptions du programme, leurs attentes au chapitre des dépenses et leurs plans d’avenir.
Au fond, le COQES a hâte de voir ce qui arrivera lorsque les élèves apprendront que leur laissez passer est payé.
Jackie Pichette est chercheuse principale au COQES.