Les régions densément urbanisées du sud de l’Ontario – en particulier la région du Grand Toronto (RGT) et la région d’Ottawa – attirent un nombre disproportionné de personnes qui détiennent des diplômes d’études supérieures. C’est important parce que ce groupe démographique offre de nombreux avantages aux collectivités, notamment des ressources financières plus importantes et des compétences clés essentielles à l’utilisation des technologies modernes. Bien qu’il s’agisse d’un avantage réel pour les grands centres urbains, cela renforce le défi pour les collectivités rurales et du nord lorsqu’il s’agit d’attirer et de retenir des jeunes travailleurs instruits, tant ceux qui vivent déjà au Canada que ceux qui viennent d’immigrer. Par conséquent, les entreprises locales de ces collectivités font face à des pénuries croissantes de travailleurs et à une main-d’œuvre plus transitoire. Cette situation, conjuguée avec les prévisions indiquant que les populations des collectivités rurales et du nord devraient stagner ou augmenter très lentement au cours des prochaines décennies, brosse un tableau sombre de la croissance dans les régions rurales de l’Ontario – ou est-ce vraiment le cas? Notre expérience du travail à distance à l’ère de la COVID-19 et les modifications récemment apportées à la réglementation sur l’immigration peuvent offrir aux centres non urbains de nouvelles possibilités d’attirer des personnes talentueuses et des résidents dans leurs localités.
Pour permettre de mieux comprendre la répartition géographique actuelle des travailleurs qui détiennent un diplôme d’études postsecondaires (EPS), nous avons créé deux cartes interactives qui permettent d’établir des comparaisons détaillées du niveau de scolarité des membres de la collectivité. Les données proviennent du Recensement du Canada de 2016 et tiennent compte des personnes de 15 ans et plus qui ont déclaré des revenus en 2015. Les unités géographiques affichées dans la carte ci-dessous correspondent aux divisions de recensement. Nous avons également créé une deuxième carte en utilisant les subdivisions de recensement, qui sont plus petites et qui fournissent encore plus de précisions.
Les divisions de recensement
Deux grandes tendances sont évidentes dans la carte. La première indique que les pourcentages les plus faibles de travailleurs sans diplôme d’EPS se trouvent dans la RGT et dans la région d’Ottawa. Ces régions comptent également moins de travailleurs qui détiennent des diplômes collégiaux et des certificats d’apprentissage ou des titres de compétences d’écoles de métiers, et les pourcentages les plus élevés de travailleurs qui possèdent un diplôme universitaire.
La deuxième tendance montre que les régions du nord de l’Ontario et les régions rurales du sud et de l’est de la province affichent des pourcentages relatifs plus élevés de travailleurs sans diplôme d’EPS. Comparativement à la RGT et à la région d’Ottawa, ces régions comptent des concentrations à peu près opposées de travailleurs qui détiennent un diplôme d’EPS.
Il semble que ces données démographiques pourraient changer. Bien que la grande majorité des immigrants aient choisi de s’établir dans la RGT par le passé (80 % au cours des 20 dernières années), plusieurs initiatives sont en cours pour les encourager à s’établir dans les régions rurales et du nord, notamment le Projet pilote de l’Ontario pour l’immigration dans les régions, le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord et le programme Maintien des immigrants dans les communautés rurales de l’Ontario. Ces programmes visent explicitement à attirer des immigrants très scolarisés et qualifiés dans les régions rurales et du nord de la province.
Pendant la dernière décennie, les règlements sur l’immigration ont été révisés afin d’accroître le nombre d’étudiants étrangers qui restent au Canada après l’obtention de leur diplôme. Cette mesure est particulièrement importante pour les petites collectivités qui comptent des établissements d’EPS à l’extérieur de la RGT et qui voient régulièrement des jeunes hautement qualifiés quitter la collectivité lorsqu’ils obtiennent leur diplôme. Les politiques en matière d’immigration qui encouragent ces diplômés à vivre et à travailler au Canada créeront davantage de possibilités, pour ces collectivités, d’inciter ces diplômés à rester dans leur région.
En raison de la pandémie de COVID-19, il y a un décalage croissant entre les lieux de travail et les lieux de résidence. Huit fois plus de travailleurs travaillent à distance qu’avant la pandémie, et on s’attend à ce que bon nombre d’entre eux continuent d’avoir la possibilité de le faire lorsque la pandémie sera terminée (en anglais seulement). Il y a deux conséquences notables pour les régions rurales et du nord de la province.
La première est que les étudiants de niveau postsecondaire des régions rurales et du nord pourront davantage retourner ou rester dans leur collectivité d’origine pour bâtir leur carrière, au lieu de déménager ailleurs. Cela pourrait renverser l’« exode des cerveaux » que connaissent depuis longtemps les petites collectivités rurales (en anglais seulement) et qui a fait en sorte que de nombreuses régions vivent une pénurie de travailleurs qualifiés et instruits. Cette tendance pourrait également être favorisée par la disponibilité accrue de programmes en ligne offerts par les établissements postsecondaires.
La deuxième conséquence est qu’en prévision de possibilités accrues et permanentes en matière de travail à distance, les résidents des régions urbaines densément peuplées ont cherché des logements dans des collectivités et des régions rurales plus petites où les coûts sont moins élevés. Bon nombre de ces travailleurs sont instruits et possèdent des compétences très recherchées; ils contribuent également à la dispersion des travailleurs instruits en Ontario. Même s’ils ne font pas directement partie de la population active de ces régions, ils contribueront à leurs recettes fiscales et appuieront les entreprises locales.
L’avenir nous dira si ces tendances et ces initiatives auront une incidence importante sur l’endroit où les travailleurs instruits choisiront de vivre, ce qui modifierait les tendances indiquées sur les cartes. Une chose est sûre : la prospérité future des collectivités rurales et du nord sera grandement influencée par leur capacité à attirer et à retenir des travailleurs et des immigrants jeunes et instruits.
Jeffrey Napierala est chercheur principal au Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur.