L’apprentissage intégré au travail (AIT) et l’éducation expérientielle (ÉE) sont des sujets d’actualité, surtout depuis la publication récente des recommandations du Conseil canadien des affaires et du Comité d’experts de la première ministre pour le développement d’une main-d’œuvre hautement qualifiée ainsi que des commentaires de la première ministre, qui a affirmé que 100 % des étudiants de niveau postsecondaire devraient avoir au moins une expérience d’AIT ou d’ÉE à la fin de leurs études postsecondaires.
Au Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES), il y a longtemps que nous sommes en faveur de l’AIT et de l’ÉE. Les contributions antérieures du COQES comprennent des travaux publiés sur le point de vue du corps professoral, des employeurs et des étudiants sur l’AIT, l’élaboration d’une typologie des activités d’AIT que le gouvernement de l’Ontario a adoptée et un Guide pratique sur l’apprentissage intégré au travail pour les praticiens. À l’automne, nous publierons un article d’Osgoode Hall sur les implications juridiques de l’AIT pour les employeurs et les établissements.
Il y a cependant quelque chose de préoccupant dans la discussion actuelle sur l’AIT et l’ÉE : elle est largement axée sur l’atteinte de l’objectif de 100 %, de sorte que les gens se concentrent sur la façon de compter les expériences d’AIT et d’ÉE. Des questions comme : est-ce qu’un stage de 12 mois compte pour deux périodes d’éducation coopérative de six mois? Est-ce que les travaux de laboratoire, qui sont des éléments traditionnels des cours de science, comptent pour un apprentissage par l’expérience? Si un étudiant entreprenant trouve un stage non rémunéré tout seul, est-ce qu’il compte pour une expérience d’AIT ou d’ÉE? Nous avons participé à beaucoup de discussions de ce genre récemment et, franchement, les réunions commencent à ressembler à des discussions sur le nombre d’anges qui peuvent danser sur une tête d’épingle.
Voyons les choses en face : nous ne savons pas vraiment comment classer ou compter les expériences d’AIT et d’ÉE et nous ne trouverons peut-être jamais de moyen de les compter qui soit satisfaisant pour tout le monde. Tant et aussi longtemps que nous nous concentrerons sur la façon de les compter (et nous le ferons si le financement additionnel accordé pour l’AIT et l’ÉE dépend d’un accroissement de la participation à ces programmes), nous serons incités à adopter les définitions les plus larges possible de ces expériences.
Nous sommes convaincus que nous devrions recentrer la discussion sur l’AIT et l’ÉE sur la raison pour laquelle nous faisons la promotion de ces expériences, une question beaucoup plus fondamentale que la façon de les compter. Reconnaissons qu’un des principaux fondements de cet intérêt pour l’AIT et l’ÉE est l’idée qu’ils favoriseront l’acquisition des compétences dont les étudiants ont besoin pour réussir dans leurs emplois et sur les marchés du travail de nos jours et les développeront. Compte tenu de cette motivation (et non de la validité de l’idée que les étudiants sont inadéquatement préparés), la question principale ne devrait pas être le nombre des étudiants qui ont ces expériences mais plutôt si ces expériences entraînent vraiment le développement des compétences désirées.
Pour faire en sorte que les programmes d’AIT et d’ÉE financés nous permettent d’atteindre notre objectif consistant à favoriser le développement des capacités et des compétences liées au travail, nous recommandons d’exiger que tout bénéficiaire de fonds de projet alloués par le gouvernement :
- Exprime les capacités et les compétences que l’expérience d’AIT/ÉE a pour but de développer;
- Détermine l’instrument ou la procédure qui sera utilisée pour mesurer ces capacités ou ces compétences;
- Utilise cet instrument pour déterminer si l’expérience d’AIT/ÉE a entraîné une amélioration des capacités et des compétences désirées;
- Publie les résultats de ces évaluations pour assurer la diffusion des pratiques exemplaires.
Nous croyons qu’il est raisonnable de réserver 5 % des fonds du programme à ces évaluations obligatoires.
Compte tenu des données probantes disponibles, il est raisonnable de penser que l’AIT et l’ÉE aideront les étudiants à développer certaines capacités et compétences qui leur seront utiles dans leurs carrières. Mais une myriade de programmes et d’initiatives seront créés pour répondre à cette demande d’expériences d’AIT et d’ÉE supplémentaires. Certains auront plus de succès que d’autres. Certains seront des échecs. Un régime d’évaluation rigoureuse et obligatoire de ces programmes nous permettra de déterminer lesquels ont du succès et donc d’optimiser leur efficacité.
Il est attendu des gouvernements qu’ils gèrent les fonds publics de façon responsable. Un régime d’évaluation du type proposé permet aux gouvernements de s’acquitter de cette responsabilité sans restreindre l’autonomie des établissements.
Merci de nous avoir lus.
Harvey P. Weingarten
Fiona Deller
Martin Hicks