La législation récente de l’Ontario, qui oblige les conseils scolaires à collecter des données sur l’identité, est une étape importante vers une plus grande équité. Toutefois, des problèmes de mise en œuvre ont entraîné des retards, des incohérences ou des limitations dans les résultats. Pour faciliter la collecte de données comparables et de qualité, le gouvernement devrait fournir aux conseils scolaires des orientations plus claires et des modèles de collecte de données plus complets.
Auteur : Karen Robson
Les décideurs et les praticiens de l’Ontario ont besoin de meilleures données sur l’éducation pour égaliser les chances des étudiants au niveau postsecondaire, en particulier pour les étudiants qui ont été historiquement marginalisés. En 2017, le gouvernement de l’Ontario a introduit la Loi contre le racisme et le Plan d’action pour l’équité en matière d’éducation, qui obligeaient les écoles de la province à collecter des données sur l’identité et à en rendre compte publiquement. Il s’agit d’une excellente nouvelle pour les chercheurs préoccupés par le manque de données relatives à l’éducation en Ontario. Idéalement, les données collectées pourraient être centralisées et mises à disposition pour la recherche politique et l’amélioration du système. À défaut d’être centralisées, les données pourraient au moins permettre des « méta-analyses », qui s’apparentent à des analyses documentaires de données.
Selon la législation, chacun des 72 conseils scolaires de l’Ontario doit collecter des données sous la forme d’un recensement administré à tous les élèves du conseil. En outre, la Loi contre le racisme stipule qu’à compter du 1er janvier 2023, les conseils scolaires doivent collecter des données sur l’identité autochtone, la race, la religion et l’origine ethnique des élèves en ce qui concerne leurs résultats scolaires, l’éducation spéciale reçue et les suspensions ou expulsions, etc. Avec le COQES, nous avons prévu d’extraire ces données des rapports publics et de cibler les possibilités de comparer les résultats des 72 conseils scolaires. Selon les données communiquées par les écoles, nous pourrions examiner les effets de la race (entre autres facteurs) sur l’obtention du diplôme d’études secondaires et d’autres indicateurs de l’accès à l’enseignement postsecondaire en Ontario. Cela nous permettrait de cibler les problèmes systémiques et d’élaborer des stratégies pour y remédier.
Malheureusement, deux problèmes nous ont empêchés de mener à bien ce travail. Tout d’abord, le calendrier de la collecte n’a pas été simple. Au cours de conversations informelles, j’ai appris que de nombreux conseils scolaires ont interprété la législation comme exigeant qu’ils commencent, et non qu’ils terminent, leur travail de collecte à cette date. Au moment de la rédaction de ce rapport, seuls 25 % des conseils scolaires ont publié les résultats de leur recensement des élèves dans leur site Web (un résultat corroboré par une étude similaire sur les politiques de lutte contre le racisme menée par People for Education). Cela n’est pas surprenant si l’on considère la capacité des conseils scolaires individuels à assumer ce travail – seul un quart des conseils scolaires disposent d’un service de recherche dédié et, dans de nombreux cas, le service de recherche n’est composé que d’une seule personne.
Deuxièmement, l’élaboration d’un recensement n’est pas une mince affaire, en particulier pour les conseils scolaires dont les ressources sont si limitées. Les experts en données sur l’éducation et en conception de sondages comprennent les nuances des questionnaires et les pièges potentiels liés à certaines manières de poser les questions, en particulier aux enfants et aux jeunes. La race déclarée étant au cœur de cet exercice, il est extrêmement important que les questions soient posées de la manière la moins problématique possible. Il faut des années d’expérience pour comprendre les subtilités de la conception et de l’administration d’une enquête, et demander à des dizaines de milliers d’étudiants de répondre à des questions fiables (c.-à-d. qui suscitent le même type de réponse à chaque fois) et valides (c.-à-d. que les questions signifient ce que le chercheur voulait qu’elles signifient) est essentiel pour tirer des conclusions significatives à partir des données.
Parmi les conseils qui ont partagé leurs données jusqu’à présent, la formulation fournie par le gouvernement pour certaines questions démographiques a été utile. Notre analyse suggère que la plupart des conseils scolaires fournissent des statistiques descriptives sur la langue maternelle, l’identité autochtone, l’origine ethnique et culturelle, l’identité raciale, l’appartenance religieuse, l’identité de genre, l’orientation sexuelle et les besoins en matière d’éducation spéciale des élèves en utilisant des questions démographiques similaires pour les élèves de la 7e à la 12e année. Cela dit, seuls 11 des 72 rapports que nous avons examinés comportaient également des questions sur les expériences et les résultats des élèves, et il y avait peu de cohérence entre les questions et les types d’expériences et de résultats scolaires signalés par les conseils. Sans ces données, nous n’aurons qu’une compréhension de base de la manière dont les étudiants présentant certaines caractéristiques démographiques sont avantagés ou désavantagés le long des parcours éducatifs – pourquoi certains étudiants ont la possibilité de suivre des études postsecondaires, par exemple, et d’autres non.
Le ministère de l’Éducation devrait fournir davantage de directives aux conseils scolaires pour résoudre ces deux problèmes. Un contrôle gouvernemental plus poussé pourrait normaliser le processus de recensement et garantir que les données collectées se prêtent au type de méta-analyses – ou, mieux, aux sources de données centralisées – nécessaires pour apporter des améliorations. Les modèles pour les conseils scolaires devraient proposer une formulation précise des questions et indiquer quand et comment faire passer les sondages (p. ex., à quelle période de l’année et à quelle fréquence), ainsi que les renseignements à rendre publics. Pour que cet exercice permette d’améliorer l’équité, les données doivent être significatives et cohérentes. Les conseils devraient révéler les associations entre diverses caractéristiques démographiques et d’autres facteurs, notamment les résultats des élèves (notes et cours suivis), les suspensions et le sentiment d’appartenance.
Nous pouvons construire une base de données pour améliorer l’éducation dans cette province, mais seulement lorsque nous collectons des données de haute qualité et comparables. La législation de l’Ontario représente une étape importante vers l’équité. L’étape suivante consiste à s’assurer qu’elle conduit au changement.