Tendances sexospécifiques en Ontario dans l’emploi des membres du corps professoral universitaire

Jeffrey Napierala, Ph. D. et Julia Colyar, Ph. D.

Sommaire

Ce rapport examine les tendances de la représentation des femmes dans les postes de professeurs d’université à temps plein en Ontario. Il s’appuie sur les données de l’enquête du Système d’information sur le personnel d’enseignement dans les universités et les collèges de Statistique Canada, qui contient des renseignements de grande qualité qui remontent à 1970. Le rapport met principalement l’accent sur les différences entre les sexes parmi les rangs universitaires, les disciplines et les provinces et a permis d’examiner l’ampleur des disparités actuelles et historiques. Des visualisations interactives sont utilisées aux fins d’analyse et permettent aux lecteurs d’explorer eux-mêmes les données d’une manière nouvelle et unique.

Voici quelques unes des principales constatations :

  • Les femmes représentent seulement 39 % de l’ensemble des professeurs d’université à temps plein en Ontario. Il s’agit du même pourcentage pour l’ensemble du Canada.
  • Le nombre de femmes membres du corps professoral a considérablement augmenté au fil du temps — particulièrement au cours des années 1990 et 2000, lorsque le pourcentage de femmes a presque doublé —, mais la croissance a ralenti ces dernières années.
  • Au rythme de croissance actuel, les femmes n’atteindront pas la parité avec les hommes occupant des postes de professeurs avant 2070. L’atteinte de la parité dans les disciplines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) prendra encore plus de temps.
  • Les gains globaux au titre de la représentation des femmes occultent les disparités persistantes dans les disciplines des STIM. Les femmes représentent 58 % des membres du corps professoral dans des domaines considérés comme plus féminins, comme l’éducation et la santé, tandis qu’elles représentent seulement 21 % des membres du corps professoral dans les domaines des STIM.
  • Les femmes représentent près de 50 % des professeurs adjoints, mais elles sont sous représentées dans les rangs supérieurs du corps professoral, ne représentant que 29 % des professeurs titulaires.

Les constatations contenues dans le présent rapport soulignent la nécessité de comprendre de manière plus complexe l’équité pour les femmes membres du corps professoral. L’équité ne sera pas atteinte, c’est-à-dire que les femmes atteindront simplement 50% de tous les membres du corps professoral, si elles continuent d’être sous-représentées dans les postes de direction et concentrées dans des disciplines traditionnellement féminines. Les recherches futures doivent utiliser des données longitudinales pour mieux comprendre les différences dans les cheminements de carrière des hommes et des femmes dans différents contextes institutionnels. Une approche intersectionnelle, facilitée par des sources de données plus nombreuses, sera également essentielle pour permettre d’acquérir une compréhension plus complète de l’équité entre les membres du corps professoral en Ontario.

Introduction

La sensibilisation à grande échelle et les efforts déployés pour accroître la représentation des femmes au sein du corps professoral des universités ont contribué à combler les disparités globales au Canada. Les gains des femmes ne sont toutefois pas répartis de manière égale entre les différentes disciplines universitaires. Ce rapport examine les tendances relatives à la représentation des femmes dans les rangs universitaires et les disciplines pour explorer l’ampleur des disparités actuelles et historiques. Nous nous intéressons en particulier aux disciplines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) en raison du manque persistant de femmes qui accèdent à des postes de direction dans ces domaines et y progressent. Des visualisations interactives des données permettent également aux lecteurs d’explorer les tendances d’une manière nouvelle et unique. L’objectif est de mieux faire connaître la lutte continue pour l’égalité des femmes dans le milieu universitaire en Ontario.

Contexte

La représentation des femmes dans les postes de professeurs d’université au Canada a augmenté au fil du temps, mais elle n’a pas atteint la parité avec les hommes. Comme il est mentionné dans Écart entre les sexes parmi le corps professoral dans les universités canadiennes, la sous représentation des femmes dans le corps professoral peut être comprise en termes d’obstacles individuels, culturels et structurels qui se chevauchent et définissent les expériences des femmes en matière d’éducation préscolaire et de socialisation professionnelle. Des progrès importants ont été réalisés, mais ce n’est qu’au cours des années 1970 et 1980 que le Canada a commencé à appuyer officiellement l’idée de l’égalité entre les sexes et qu’il a mis en place des cadres juridiques et éthiques pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe (Conseil des académies canadiennes, 2012, p. 28).

La transition vers des politiques plus équitables en milieu de travail est souvent attribuée à des changements structurels de l’économie et à des changements sur les plans des normes et des croyances sociales qui n’appuyaient auparavant pas la pleine participation des femmes — particulièrement des femmes mariées — au marché du travail (Fernández, 2013). Au Canada, ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la participation des femmes au marché du travail a commencé à augmenter par rapport à des niveaux très faibles (Statistique Canada, 2018). Cela correspondait à une augmentation du pourcentage de femmes titulaires de diplômes universitaires ou collégiaux, de sorte que les femmes ont dépassé la parité avec les hommes dans cette catégorie au début des années 1990 (Ferguson, 2016). Toutefois, le pourcentage de femmes occupant des postes de professeurs d’université est encore loin de la parité avec les hommes (Statistique Canada, 2019b; Wang et Doolittle, 2021).

La disparité continue est due, en partie, à une sous représentation des femmes parmi les titulaires d’un doctorat. Ce point est important, puisque des doctorats sont habituellement exigés pour les postes permanents menant à la permanence dans le contexte universitaire.[i] La figure 1 montre la répartition des femmes[ii] titulaires d’un doctorat en Ontario (Statistique Canada, 2019a). Pour tous les groupes d’âge, les femmes représentent 38 % de l’ensemble des titulaires d’un doctorat, mais il existe des différences importantes selon l’âge, ce qui reflète les possibilités limitées pour les cohortes antérieures de femmes. En 2016, 47 % des jeunes titulaires de doctorats étaient des femmes, mais le pourcentage chutait à 23 % dans le cas des titulaires de doctorats âgés de 65 ans et plus. Compte tenu de la sous représentation historique des femmes dans la carrière universitaire, il existe actuellement un écart important entre les hommes et les femmes qui occupent des postes de professeurs titulaires. Toutefois, compte tenu du pourcentage plus élevé de femmes dans les cohortes de jeunes titulaires d’un doctorat, on peut s’attendre à ce que le pourcentage de femmes professeures dans tous les rangs universitaires augmente à l’avenir.

Figure 1: Pourcentage de titulaires d’un doctorat qui sont des femmes en Ontario, 2016

Source: Statistique Canada (2019a)

La représentation des femmes dans tous les rangs du corps professoral est également touchée par des processus de promotion très structurés dans les universités, selon lesquels les professeurs adjoints doivent obtenir une promotion au niveau de professeur agrégé avant leur septième année. Les membres du corps professoral peuvent être promus au niveau de professeur titulaire et, dans certains établissements, de professeur distingué/de niveau universitaire. Les promotions sont accordées en fonction de facteurs principalement liés au rendement perçu en matière d’enseignement et de recherche (Grav et Greenleaf, 2008). Par conséquent, le nombre de femmes au rang de professeur adjoint à tout moment reflétera étroitement les embauches récentes, puisque le temps passé par chacun à un poste de ce niveau est limité, tandis que les disparités aux rangs supérieurs sont attribuables à plusieurs facteurs qui ont eu une incidence sur les parcours de carrière des femmes et des hommes sur de longues périodes.

Questions de recherche

Le présent rapport aborde les questions de recherche suivantes :

  • Comment la représentation des femmes dans les postes de professeurs d’université en Ontario a t elle évolué entre 1970 et 2018?
  • En quoi la représentation des femmes diffère t elle d’une discipline à l’autre? Y a t il des domaines où les femmes progressent davantage?
  • Comment la représentation des femmes dans le corps professoral en Ontario se compare t elle à celle des autres provinces?
  • Compte tenu des tendances représentées par ces données, à quel moment les femmes membres du corps professoral en Ontario pourraient elles s’attendre à atteindre la parité en matière de représentation?

Données et limites

Nous utilisons l’enquête du Système d’information sur le personnel d’enseignement dans les universités et les collèges – Personnel enseignant à plein temps (SPEUC PT) pour le présent rapport; il s’agit d’un recensement obligatoire de tout le personnel enseignant à plein temps des universités du Canada. Statistique Canada réalise l’enquête SPEUC PT depuis 1937, sauf pour une courte période entre 2011–2012 et 2015–2016, lorsque les données ont été recueillies par d’autres moyens et ajoutées rétroactivement à la base de données.[iii]

Les données utilisées dans le présent rapport commencent à l’année scolaire 1970–1971, la première année pour laquelle des données lisibles par machine sont disponibles, jusqu’à l’année scolaire 2018–2019. Elles comprennent le genre, le rang universitaire, la discipline[iv] et la province de chaque professeur du Canada.[v] Nous avons choisi ces caractéristiques aux fins de la présente analyse puisqu’elles représentent certains des facteurs les plus couramment discutés relativement aux disparités de genre entre les membres du corps professoral. Il convient de souligner que la définition de « personnel enseignant » utilisée dans le présent document inclut les professeurs à temps plein occupant un poste menant à la permanence, le personnel de recherche à temps plein dont le rang universitaire et l’échelle salariale sont semblables et le personnel enseignant à temps plein invité dans les facultés universitaires seulement.

Une certaine prudence s’impose dans l’interprétation de ces résultats. En ce qui concerne le genre, les données recueillies dans le cadre de l’enquête SPEUC PT sont désignées par le terme « sexe » dans la documentation officielle; toutefois, seules les réponses « hommes » et « femmes » sont permises (et, plus récemment, « Autre »[vi] pour certains établissements) (Statistique Canada, 2020a). Dans le présent rapport, nous utilisons les termes « hommes » et « femmes » malgré les différences entre le genre et le sexe (voir Instituts de recherche en santé du Canada, 2020).

En raison de la perturbation de la collecte des données de l’enquête SPEUC TP entre 2011–2012 et 2015–2016, les résultats pour ces années doivent également être interprétés avec prudence. Pendant cette période, des quantités particulièrement importantes de données sont manquantes pour la variable de la discipline; par conséquent, les résultats pour ces années peuvent être inexacts dans certains cas. Dans les visualisations ci dessous, les périodes touchées sont indiquées et grisées.

L’une des contraintes de l’enquête SPEUC PT est qu’elle permet de recueillir une quantité limitée de renseignements au sujet des travailleurs du secteur de l’EPS. Par exemple, aucun renseignement n’est recueilli auprès des collèges. Les enseignants à temps partiel et contractuels des universités, un groupe dont le nombre a récemment augmenté et pour lequel t la stabilité d’emploi est limitée (Field et coll., 2014), sont également exclus. Les données concernant la race (ou « minorité visible »), l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité autochtone et l’incapacité ne sont pas recueillies de manière uniforme dans tous les établissements et ne sont pas disponibles aux fins de la présente analyse. Malgré ces limites, l’enquête SPEUC PT demeure la source de données historiques de la plus grande qualité en ce qui concerne le genre des professeurs d’université au Canada.[vii]

Résultats

Les résultats contenus dans le présent rapport sont présentés selon trois visualisations interactives des données. Des conseils et des instructions détaillés concernant leur utilisation sont fournis dans une page Web distincte. Un fichier PDF comportant des images statiques peut également être téléchargé. Pour une fonctionnalité optimale, les visualisations de données sont mieux visualisées sur un ordinateur de bureau.

Figure 2 : Membres du corps professoral universitaire à temps plein selon le genre

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La figure 2[viii] montre les tendances au fil du temps quant au nombre de femmes et d’hommes membres du corps professoral en Ontario. Le nombre de femmes membres du corps professoral a augmenté de façon constante depuis 1970, et les gains se sont accélérés à la fin des années 1990. En 2018–2019, le corps professoral comptait près de 5 800 femmes, comparativement à seulement 700[ix] en 1970. En revanche, le nombre de professeurs de sexe masculin a augmenté de façon marquée entre 1970–1971 et 1991–1992, passant de 7 100 à un sommet de 10 700, puis a fluctué au cours des décennies suivantes pour s’établir à 9 100 en 2018.

Le pourcentage de femmes parmi l’ensemble des membres du corps professoral a augmenté rapidement de la fin des années 1980 à la fin des années 2000, passant d’une base d’à peine 12 % à 35 %, avant un ralentissement ces dernières années. En 2018–2019, les femmes représentaient 39 % de tous les membres du corps professoral universitaire, tandis que les hommes représentaient 61 %.

Dans les universités, le rang désigne le niveau relatif ou l’ancienneté des membres du corps professoral, le niveau de professeur titulaire étant le plus élevé et celui de professeur adjoint étant le niveau d’entrée. En raison des disparités historiques entre les genres parmi les titulaires de doctorats et l’accès aux postes de professeur, les femmes membres du corps professoral en Ontario sont actuellement sous représentées au rang de professeure titulaire.

En 2018–2019, les femmes représentaient 47 % des professeurs adjoints et 44 % des professeurs agrégés. Toutefois, seulement 29 % des professeurs titulaires étaient des femmes. Dans toutes les disciplines des STIM,[x] les femmes représentaient 21 % des professeurs de niveau universitaire. Cependant, seulement 16 % des professeurs titulaires dans ces disciplines étaient des femmes. La représentation des femmes (tous rangs confondus) pour les matières spécifiques des STIM est résumée dans le tableau 1 :

Tableau 1 : Pourcentage de femmes qui étaient des professeures universitaires à temps plein dans les disciplines des STIM, 2018–2019

Matière enseignéeFemmesHommesNbre
Architecture, génie et technologies connexes18 %82 %522
Mathématiques, informatique et sciences de l’information21 %79 %288
Sciences et technologies physiques et de la vie25 %75 %570

Le pourcentage de femmes dans les domaines liés aux STIM augmente au fil du temps, mais très lentement. Par ailleurs, la représentation des femmes dans des domaines comme la santé et l’éducation – des disciplines traditionnellement considérées comme féminines[xi] — a augmenté rapidement. En 2018, les femmes représentaient 58 % des professeurs et 49 % des professeurs titulaires dans ces domaines.

Figure 3 : Pourcentage de femmes occupant des postes de professeures d’université à temps plein, par province

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La figure 3 montre le pourcentage de femmes membres du corps professoral dans chaque province au fil du temps. Bien qu’il existe de légères différences entre les provinces, le taux de variation de la représentation globale des femmes a été semblable au fil du temps. En 2018–2019, la Nouvelle Écosse et le Manitoba affichaient les pourcentages les plus élevés de femmes (42 % et 40 %, respectivement), suivis de l’Ontario et de la Saskatchewan (39 %). Dans les autres provinces, les femmes représentaient 38 % de l’ensemble du corps professoral.

Figure 4 : Projections relatives au pourcentage de femmes professeures d’université à temps plein

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La dernière figure montre les projections[xii] concernant les femmes membres du corps professoral en Ontario selon un horizon de 10 ans, à la suite de la tendance observée depuis 1970.[xiii] Si les projections sont reportées encore plus loin, on ne s’attendrait toujours pas à ce que les femmes de l’Ontario atteignent la parité au titre de leur représentation avant 2070. On estime qu’il faudra encore plus de temps pour atteindre la parité dans les domaines des STIM pour les femmes.

Résumé et analyse

Ce rapport présente la fluctuation de la représentation des femmes parmi les membres du corps professoral à temps plein selon le rang universitaire et la discipline en Ontario. Bien que les constatations ne permettent pas d’expliquer toutes les complexités des disparités, comme les différences attribuables aux déséquilibres de genre historiques chez les titulaires de doctorats, elles offrent une perspective claire des disparités continues entre les sexes au fil du temps. Les données de l’enquête SPEUC PT ont été présentées selon trois visualisations interactives de données. Nous avons mis l’accent sur les membres du corps professoral en Ontario dans les domaines liés aux STIM, mais les lecteurs peuvent utiliser les fonctionnalités interactives des visualisations pour explorer plus en détail d’autres disciplines. Ce rapport a pour but de faciliter l’exploration du chemin complexe vers l’égalité qui a commencé il y a plusieurs décennies.

Dans l’ensemble, les femmes sont encore sous représentées en Ontario, comptant pour seulement 39 % de l’ensemble des membres du corps professoral à temps plein. Cette proportion est conforme à celle des autres provinces du Canada et, de manière générale, à celle des pays plus développés sur le plan économique (Conseil des académies canadiennes, 2012). Bien que les femmes aient connu des augmentations énormes au fil du temps, particulièrement dans les années 1990 et 2000, la croissance a ralenti ces dernières années. Si le taux de croissance plus récent se maintient, les femmes n’atteindraient pas la parité avec les hommes avant 2070.

Les progrès globaux au titre de la représentation des femmes au sein du corps professoral masquent les disparités persistantes dans les disciplines des STIM. Des gains importants ont été réalisés dans les domaines de l’éducation et de la santé, où les femmes représentent maintenant 58 % des membres du corps professoral; toutefois, dans les domaines liés aux STIM, les femmes n’ont atteint que 21 % du total. Ces constatations reflètent les enjeux énoncés dans Écart entre les sexes parmi le corps professoral dans les universités canadiennes : les femmes membres du corps professoral sont confrontées à des obstacles individuels, culturels et structurels qui nuisent à leur progression vers et dans les rangs du corps professoral. Les pourcentages plus élevés de femmes dans les domaines de l’éducation et de la santé — des disciplines qui correspondent davantage à la socialisation traditionnelle des femmes en tant que soignantes — renforcent les préoccupations concernant la force des stéréotypes de genre et des normes culturelles dans la détermination des parcours professionnels des femmes.

Les disparités continues entre les genres sont également attribuables en partie aux déséquilibres historiques sur le plan du niveau de scolarité et de la participation au marché du travail. Il y avait moins de femmes qui obtenaient des doctorats et qui accédaient à des postes de niveau universitaire au cours de périodes antérieures. Par conséquent, les cohortes de membres du corps professoral plus âgés, qui occupent maintenant les rangs supérieurs, demeurent démesurément composées par des hommes. Si les pourcentages d’hommes et de femmes titulaires d’un doctorat sont utilisés comme une substitution pour les personnes admissibles à des postes au sein du corps professoral, on constate que les femmes occupent des postes de professeures selon le même taux que les hommes — 37 % de l’ensemble des titulaires d’un doctorat en Ontario étaient des femmes en 2016 et 38 % des postes de professeurs en Ontario étaient occupés par des femmes (Statistique Canada, 2019a). Comme les femmes obtiennent de plus en plus de doctorats, il est probable que leur nombre continuera d’augmenter dans les rangs des professeurs. Toutefois, comme les cohortes de jeunes de titulaires de doctorat n’atteignent toujours pas 50 % de femmes (voir la figure 1), il est probable que le pourcentage global de femmes membres du corps professoral n’atteindra pas ce seuil avant longtemps, comme l’indiquent les prévisions ci dessus.

La sous représentation des femmes dans les rôles de professeures titulaires reflète probablement des obstacles structurels. En particulier, des recherches ont mis en lumière les défis auxquels font face les femmes sur le plan des promotions des postes de professeures agrégées à des postes de professeures titulaires. Des recherches antérieures ont montré que les femmes étaient promues plus lentement que leurs collègues de sexe masculin, même en tenant compte de la productivité, de la discipline et du type d’établissement (Ornstein et coll., 2007; Perna, 2001). Les disparités sont également amplifiées pour les mères et celles qui assument des activités de service à l’appui des étudiants, de leurs collègues et de leurs départements ou établissements. Malgré l’évolution des normes et des attentes, les femmes ont souvent des charges supplémentaires qui ne sont généralement pas reconnues dans les systèmes de permanence.

Ensemble, ces constatations soulignent la nécessité de comprendre l’équité pour les membres du corps professoral de manière plus complexe. Bien que la représentation soit importante, elle doit être réalisée sans que les femmes soient ségréguées selon les stéréotypes traditionnels — la parité dans la représentation ne consiste pas simplement à atteindre 50 % de femmes membres du corps professoral dans l’ensemble. L’équité ne doit pas non plus être réduite à la représentation. Dans le milieu universitaire, les stéréotypes de genre, les normes culturelles et les structures institutionnelles peuvent avoir une incidence négative sur les attentes concernant les femmes. L’équité doit tenir compte des possibilités, des expériences et des résultats pour les femmes.

Les recherches futures sur ce sujet pourraient étoffer ces constatations de manière importante. Des analyses supplémentaires devraient être effectuées au moyen de données longitudinales pour permettre de mieux comprendre les différences sur le plan des parcours de carrière chez les hommes et chez les femmes, par exemple lorsqu’ils ont accédé à leur premier poste de professeur. Combiné avec des renseignements supplémentaires concernant la productivité en matière de recherche (voir Millar et Barker, 2020), le nombre d’heures travaillées et le temps consacré aux services et au mentorat universitaires, un modèle plus complet pourrait être élaboré pour permettre de mieux comprendre les causes des disparités entre les hommes et les femmes. Une désagrégation plus poussée par établissement d’enseignement pourrait également être fructueuse, puisque des recherches ont souligné que les écarts sur le plan de l’équité sont plus prononcés parmi les meilleures universités de recherche au Canada (Momani et coll., 2019; Ornstein et coll., 2007).

D’autres recherches sur cette question devraient également comporter une perspective intersectionnelle, ce qui nécessitera la collecte et la déclaration de données concernant la race, l’ethnicité, la religion, l’orientation sexuelle, l’identité autochtone et l’incapacité. Les recherches menées dans d’autres administrations révèlent les disparités auxquelles font face les membres du corps professoral de divers milieux. Tant que nous ne pourrons pas examiner l’équité en Ontario et au Canada dans cette optique, notre compréhension sera toujours incomplète.

Ces méthodes de recherche devraient être accompagnées d’un examen plus approfondi des expériences vécues par les membres d’un corps professoral diversifié. Les constatations présentées ci dessus soulignent la force des valeurs et des normes culturelles qui déterminent les expériences des femmes; elles devraient être explorées davantage pour appuyer la réussite des efforts législatifs et structurels en matière d’équité.

Les prochains volets du projet sur les femmes dans le milieu universitaire aborderont certains des enjeux susmentionnés. Nous continuons d’examiner les données quantitatives disponibles pour comprendre les disparités sur le plan des salaires et le nombre de femmes qui poursuivent leurs études de premier cycle jusqu’à des postes de professeures titulaires. Les prochains rapports présenteront les résultats d’entrevues avec des femmes universitaires, qui décriront leurs expériences dans les domaines des STIM. Le projet se terminera par des suggestions stratégiques fondées sur des données empiriques.

Bibliographie

Vous trouverez les informations de référence complètes ici.


Notes

[i] Plus de 92 % des professeurs au Canada détiennent des doctorats ou, pour les diplômes de médecine ou paramédicaux, des diplômes professionnels (Statistique Canada, 2020c). Toutefois, ce pourcentage ne tient pas compte de certains domaines pour lesquels un type de grade autre qu’un doctorat constitue le diplôme terminal, comme l’art, la musique ou le design et certains autres programmes professionnels.

[ii] Veuillez noter que dans le cadre du recensement canadien de 2016, Statistique Canada n’a recueilli que des renseignements sur le sexe, et non le genre, des répondants. Nous avons choisi de substituer les noms de genre à ceux de sexe dans un souci de cohérence. À cet égard, veuillez consulter la discussion supplémentaire dans la section « Données et limites ».

[iii] L’enquête SPEUC-PT a pris fin en 2012 en raison de compressions budgétaires, puis rétablie en 2016. L’écart de cinq ans sur le plan de la collecte de données de Statistique Canada entre 2011 et 2015 a été comblé de manière rétroactive par une combinaison de données recueillies indépendamment par les établissements participants en collaboration avec le Conseil national de vice-présidents d’université, qui a autorisé et finalisé les données auprès de Statistique Canada, ainsi que les données soumises indépendamment à Statistique Canada. Toutefois, ce ne sont pas tous les établissements qui ont participé à cette collecte de données.

[iv] La variable « regroupements principaux » relative aux codes de la Classification des programmes d’enseignement (CPE), qui comprend 12 groupes, est utilisée. Les réponses classées dans la catégorie « autre » ou « non disponible » ne figurent pas dans les visualisations en raison des faibles nombres.

[v] Les données utilisées dans le présent rapport sont tirées d’une tabulation personnalisée de Statistique Canada. Les nombres sont arrondis de manière probabiliste à des multiples de 3, sauf ceux inférieurs à 3, qui sont supprimés par Statistique Canada, et sont arrondis à 0 aux fins de la présente analyse. Par conséquent, les données présentées dans le présent rapport pourraient ne pas correspondre exactement à celles d’autres sources. Veuillez également noter que les moyennes mobiles sur trois ans et les valeurs prévues présentées ci-dessous sont calculées au moyen du logiciel Microsoft Power BI.

[vi] Les répondants pouvaient choisir entre deux « sexes », soit « femme » et « homme » jusqu’en 2013, après quoi les répondants de certains établissements pouvaient aussi choisir « Autre » pour le genre, bien qu’il ne soit pas possible de distinguer ces réponses d’une réponse « inconnu » dans le fichier de données. Pendant cette période, trois personnes ont sélectionné « Autre » ou « Inconnu » pour leur sexe (Statistique Canada, 2020b); en raison de leur faible nombre, ces options ne peuvent pas être examinées avec exactitude à l’aide de cette source de données.

[vii] L’Enquête sur le corps professoral et les chercheurs du niveau postsecondaire (ECPCNP) a été menée en 2019 par Statistique Canada et a permis de recueillir des renseignements plus détaillés que la SPEUC-PT auprès des répondants (Statistique Canada, 2019c). Toutefois, les données historiques ne sont pas disponibles au moyen de cette source et ne conviennent donc pas au présent rapport.

[viii] La visualisation interactive peut être adaptée pour afficher le nombre ou le pourcentage de femmes et d’hommes membres du corps professoral depuis 1970 pour toute combinaison de rangs universitaires, de matières enseignées et de province. Ces données peuvent servir à examiner les tendances dans le cas des hommes et des femmes membres du corps professoral selon diverses caractéristiques au fil du temps.

[ix] Les chiffres dans le texte sont arrondis à la centaine la plus proche.

[x] Il s’agit des mathématiques, de l’informatique et des sciences de l’information, des sciences et technologie physiques et de la vie, de l’architecture, du génie et des technologies connexes.

[xi] En 1992 et en 2007, par exemple, les domaines de la santé et de l’éducation comptaient la plus forte proportion de femmes diplômées universitaires (McMullen et coll., 2010).

[xii] Les prévisions sont calculées selon une méthode statistique appelée « lissage exponentiel ». La ligne pointillée représente l’estimation ponctuelle ou la « meilleure estimation » de la tendance future et le cône en gris représente un intervalle de confiance de 95 %.

[xiii] Il est à noter que l’ajustement de la plage « années de prévision » dans le menu interactif a une incidence sur la plage de données utilisées pour calculer les valeurs prévues.