Tendances en matière d’écart de rémunération entre les genres au sein des universités ontariennes

Par Jeffrey Napierala, Ph. D.

Dans cette mémoire du recherche, l’objectif principal est de fournir aux lecteurs les outils pour explorer les tendances en matière de salaire au sein des corps professoraux en fonction de quelques variables clés.

Nous nous sommes appuyés sur des données issues de l’enquête du Système d’information sur le personnel d’enseignement dans les universités et les collèges – Personnel enseignant à plein temps (SPEUC-PT), qui comprend des renseignements sur le personnel employé à temps plein au sein des universités canadiennes.[i] Au sens de ce mémoire, le corps professoral inclut les enseignants à temps plein, les membres du personnel de recherche à temps plein qui ont un rang professoral et dont l’échelle salariale est similaire à celle du personnel enseignant et les membres du personnel enseignant invité actif au sein du corps professoral uniquement. Nous nous sommes appuyés sur des données remontant à l’année scolaire 1970-1971, c’est-à-dire la période dont datent les premières données exploitables par une machine. Les données utilisées les plus récentes datent de l’année scolaire 2018-2019. Ces données comprennent le salaire médian[ii] et le nombre de professeurs, répartis en fonction du genre, du rang professoral, de la matière enseignée,[iii] ainsi que de la province de chaque professeur au Canada.[iv] Du fait des perturbations de la collecte des données du SPEUC-PT de 2011-2012 à 2015-2016, il est nécessaire de faire preuve de prudence lors de l’analyse des résultats pour ces années.[v]

Présentation des données

Dans le présent mémoire, les données sont présentées sous forme de visualisations interactives. Vous trouverez de plus amples renseignements sur leur utilisation ici. Il est aussi possible de télécharger un fichier PDF comportant des images statiques. Pour une fonctionnalité optimale, les visualisations de données sont mieux visualisées sur un ordinateur de bureau. Nous mettons en évidence ci-dessous certains faits saillants issus de chacune des représentations visuelles.

Figure 1 : Salaire médian pour les membres de corps professoraux employés à temps plein, répartis par genre

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  • L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes a légèrement reculé avec le temps. En 1970-1971, la différence de rémunération entre les hommes et les femmes s’élevait à 18 000 $, contre 13 000 $ en 2018-2019.
  • Les différences sont plus marquées pour les femmes qui travaillent dans les disciplines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM)[vi] en 2018-2019.

Tableau 1 : Salaire médian des hommes et des femmes par sous-domaine STIM, 2018-2019

Domaine STIMSalaire médian
femmes
Salaire médian
hommes
N
Architecture, génie et services connexes160 000 $173 000 $1 764
Mathématiques, informatique et sciences de l’information163 000 $173 000 $984
Sciences physiques et de la vie, et technologies158 000 $170 000 $1 902
Moyenne prondérée pour les domaines STIM160 000 $172 000 $4 650
  • Les domaines traditionnellement féminins,[vii] dans lesquels les femmes forment une part importante des effectifs (voir « Tendances sexospécifiques en Ontario de l’emploi des membres du corps professoral universitaire »), tels que les domaines de la santé et de l’éducation, sont globalement associés à des salaires moindres que les disciplines STIM dans leur ensemble. Toutefois, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes y est moindre. Le salaire médian des hommes était de 165 000 $ en 2018-2019, ce qui est supérieur de 10 000 $ au salaire médian des femmes.

Figure 2 : Ratio salarial entre les hommes et les femmes des membres de corps professoraux employés à plein temps en fonction du rang professoral

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  • Les écarts se sont légèrement resserrés pour les professeurs adjoints et les professeurs agrégés au fil du temps. En 1970-1971, une femme gagnait 0,95 $ pour chaque dollar gagné par un homme à ces rangs, contre 0,96 $/0,97 $ en 2018-2019.
  • Cette réduction de l’écart a été plus sensible chez les professeurs titulaires. Les ratios commençaient aux alentours de 0,90 $ (le point le plus bas se situant en 1972-1973), et s’élevaient à 0,97 $.
  • Parmi tous les rangs, les inégalités de rémunération ont peu changé depuis la fin des années 2000.
  • L’examen des écarts de rémunération entre les rangs est important. Les femmes qui font partie de corps professoraux dans leur ensemble gagnaient environ 0,16 $ de moins que les hommes pour chaque dollar gagné par ces derniers en 2018-2019 : toutefois, en procédant à une comparaison à rang égal, cet écart diminue jusqu’à 0,03 $/0,04 $.

Figure 3 : Ratio salarial entre les hommes et les femmes des membres de corps professoraux employés à plein temps en fonction de la discipline

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  • Dans le domaine de la santé et les disciplines connexes, les femmes gagnaient des salaires proches de ceux des hommes depuis les années 1990.
  • Plus récemment, les femmes qui travaillent dans les domaines de l’éducation ont gagné certains des salaires les plus élevés comparativement à leurs homologues masculins, sans toutefois parvenir à la parité. Le ratio a oscillé un peu en dessous de 1 $ depuis la fin des années 2000.
  • Les femmes qui travaillent dans les domaines de la catégorie « Architecture, génie et services connexes » gagnaient des salaires très bas par rapport aux hommes dans les premiers temps. Toutefois, jusqu’aux dernières décennies, très peu de femmes étaient actives dans ces domaines.
  • Une approche se concentrant sur les rangs individuels permet d’obtenir les résultats les plus prometteurs du présent mémoire. En 2018-2019, dans la plupart des disciplines, les professeures gagnaient des salaires similaires à ceux des hommes. Plus précisément, la moyenne des ratios sur l’ensemble des matières enseignées dans le graphique pour les femmes qui ont les rangs de professeures adjointes, agrégées et titulaires s’élevait environ à 0,98 $ gagné pour chaque dollar gagné par un homme, ou 2 % de moins en 2018-2019.

Figure 4 : Ratio salarial entre les hommes et les femmes des membres de corps professoraux employés à plein temps en fonction de la province

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  • Pour les sept provinces canadiennes les plus peuplées (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouvelle-Écosse, Ontario, Québec et Saskatchewan), en 1970-1971, les femmes membres de corps professoraux gagnaient entre 0,77 $ et 0,84 $ pour chaque dollar gagné par les hommes. Ce ratio a augmenté jusqu’à environ 0,91 $ (plus précisément, entre 0,88 $ et 0,92 $) en 2018-2019.
  • Les tendances en fonction du rang sont similaires dans l’ensemble des provinces : les gains des femmes par rapport aux hommes ont augmenté de façon significative au fil du temps, sans toutefois que les femmes ne parviennent à la parité.

Figure 5 : Prévisions sur le ratio salarial entre les femmes et les hommes pour les membres de corps professoraux employés à temps plein des universités

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  • Ces prévisions, qui s’appuient uniquement sur les tendances passées,[viii] indiquent que l’on ne s’attend pas à ce que l’écart salarial change au cours des 10 prochaines années. Selon les projections, il se maintiendra à 0,92 $.
  • Si on extrapole davantage cette projection, au-delà de la période de 10 ans présentée ici, on ne s’attend pas à ce que les femmes parviennent à la parité avec les hommes au cours des 50 prochaines années.
  • L’examen des ratios salariaux pour des rangs précis ne change pas cette conclusion.

Résumé

  • Les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ont légèrement diminué au fil du temps, mais les femmes membres de corps professoraux gagnent toujours moins que les hommes.
  • Selon le modèle utilisé, on ne s’attend pas à ce que l’écart entre les genres constaté actuellement (à savoir 0,92 $ gagné par une femme pour chaque dollar gagné par un homme) change dans un avenir proche. Des changements sociaux ou politiques plus drastiques pourraient être nécessaires pour accentuer la réduction de l’écart à l’avenir.
  • Dans les cas où l’on compare des femmes et des hommes employés dans la même discipline et qui ont le même rang, les écarts de rémunération sont faibles : dans ce cas de figure, les femmes gagnent environ 2 % de moins que les hommes. Toutefois, cette comparaison ne prend pas en compte la concentration des femmes dans des disciplines dans lesquelles les rémunérations sont relativement faibles (en particulier dans le cas des rangs peu élevés).
  • Il est important de souligner que les écarts salariaux présentés ici s’appuient sur des instantanés de périodes d’un an et que, par conséquent, même de petits écarts persistants peuvent entraîner des différences de gains importants par cumulation tout au long de la carrière d’une femme.
  • Ces résultats prennent uniquement en compte le rang et la matière enseignée. D’autres variables, telles que le nombre d’années d’expérience ou l’âge, peuvent quant à elles dans certains cas accentuer l’écart de rémunération : en effet, on a constaté que les inégalités salariales sont plus importantes pour les membres de corps professoraux relativement âgés que pour les autres (Pelletier et coll., 2019).
  • Étant donné que le SPEUC-PT ne procède pas à un suivi individuel des membres de corps professoraux au fil du temps, il est impossible de distinguer entièrement les rapports entre les caractéristiques de ces personnes et leurs salaires. Actuellement, on ne dispose d’aucune source de données qui permette d’observer ces rapports. Des données longitudinales détaillées devraient être recueillies pour permettre des analyses plus complètes des écarts de rémunération en fonction du genre.

Notes

[i] Le SPEUC-PT a été interrompu en 2012 à la suite de réductions budgétaires. Il a été rétabli en 2016. L’interruption de cinq ans de la collecte de données par Statistique Canada, de 2011 à 2015, a été comblée de façon rétroactive grâce à des données issues de plusieurs sources : des données collectées indépendamment par des établissements participants, en collaboration avec le Conseil national des vice-recteurs aux affaires académiques, qui a établi la version finale de ces données et a autorisé Statistique Canada à les utiliser, et des données soumises indépendamment auprès de Statistique Canada. Toutefois, tous les établissements n’ont pas participé à la collecte de ces données.

[ii] Le salaire annuel médian comprend les allocations administratives. Les chiffres sont ajustés pour tenir compte de l’inflation en dollars de 2021.

[iii] Nous avons eu recours à la variante « regroupement principal » des codes de la Classification des programmes d’enseignement (CPE), qui comprend 12 groupes. Nous ne présentons pas les réponses correspondant à « Autre » ou « Indisponible » du fait de la faiblesse de leurs effectifs.

[iv] Les données utilisées dans le présent mémoire sont issues d’une mise en tableau sur mesure de Statistique Canada. Les chiffres ont été arrondis de façon probabiliste à des multiples de 3, sauf ceux qui sont inférieurs à 3 : ces derniers ont été effacés par Statistique Canada, et ils sont arrondis à 0 aux fins de la présente analyse. Par conséquent, il est possible que les données présentées ici ne correspondent pas exactement à celles d’autres sources. Veuillez par ailleurs noter que nous avons calculé toutes les prévisions et les moyennes mobiles sur trois ans à l’aide du logiciel Microsoft Power BI.

[v] Au cours de cette période, les volumes de données manquantes sont particulièrement importants pour la variable « Matière enseignée ». Par conséquent, il est possible que les résultats pour ces années ne soient pas exacts, dans certains cas. Dans les représentations visuelles qui suivront, les périodes concernées sont indiquées et grisées.

[vi] Les disciplines STIM comprennent les catégories « Architecture, génie et services connexes », « Mathématiques, informatique et sciences de l’information » et « Sciences physiques et de la vie, et technologies ».

[vii] Par exemple, pour 1992 comme pour 2007, McMullen et coll. (2010) ont constaté que les domaines de la santé et de l’éducation étaient les domaines dans lesquels la part de femmes parmi les diplômés universitaires était la plus importante.

[viii] Nous sommes parvenus à ces prévisions en appliquant une méthode statistique appelée « lissage exponentiel ». La ligne en pointillé correspond à l’estimation la plus probable de la tendance à l’avenir, et le cône grisé représente un intervalle de confiance de 95 %.