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Martin Hicks – De l’importance, ici et au bord de la rivière, des sciences humaines

Durant la récente conférence annuelle de l’Association des collèges communautaires du Canada, Gwyn Morgan, PDG à la retraite du géant de l’énergie EnCana, prononçant l’allocution d’ouverture, a vanté la contribution des collèges à l’économie et à la réussite professionnelle de nombreux Canadiens. Il avait bien raison de le faire. Le Canada attache beaucoup d’importance à l’enseignement collégial et son engagement à cet égard se révèle fructueux. Par conséquent, la population adulte au Canada compte un nombre à peu près égal de diplômés des collèges et des universités. Dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE, le ratio est de un pour deux, tandis qu’il est de un pour trois aux États-Unis.

Puis, M. Morgan a livré ses réflexions sur nos universités, dont le rendement laisse selon lui à désirer. Il les a par la suite comparées à des hippopotames en raison de leur léthargie. M. Morgan a été tout particulièrement critique à l’endroit des universités tournées vers la recherche ainsi que des programmes d’arts et de sciences humaines. Il a instamment invité l’auditoire à conseiller aux jeunes d’éviter les domaines ayant un faible rendement sur le marché du travail, comme les sciences humaines, même si c’est ce qui les passionnent.

Il a plaisanté en disant que l’une des questions d’enquête savante des diplômés des sciences humaines était « des frites avec ça? ». Il a également blâmé les écoles secondaires qui permettent aux élèves de renoncer aux cours difficiles, comme les mathématiques et les sciences, ce qui les oblige à se diriger par défaut vers les sciences humaines.

Le secteur énergétique canadien a bénéficié largement des résultats des travaux faits par les universités à vocation de recherche et qui ont permis des efficiences en matière d’extraction, de raffinage et de transport du pétrole et du gaz, et de protection de l’environnement.

De nombreux leaders solides au sein des conseils d’administration et des hautes directions des entreprises canadiennes ont inscrit un diplôme en arts sur leur CV. On imagine qu’ils apportent une importante perspective globale à un secteur centré sur la technologie.

Oui, les premiers résultats sur le marché du travail des diplômés des sciences humaines sont plus modérés que ceux des diplômés en génie ou que ceux des universités et des collèges en général. Le lien vers un emploi est plus direct dans le cas des programmes professionnels clairement définis. Les étudiants en sciences humaines doivent faire preuve de créativité, d’aptitudes sociales, d’entreprenariat et de ténacité pour entrer et se rattraper sur le marché du travail. Les données à long terme montrent que bien qu’il soit possible qu’ils ne gagnent jamais durant leur vie autant que les ingénieurs, ils verront néanmoins leur revenu augmenter de façon régulière et toucheront, par conséquent, une rémunération intéressante.

En Ontario, parmi les étudiants qui obtiennent un premier diplôme universitaire, seulement un sur huit est en sciences humaines. Comme nous octroyons autant de diplômes dans les collèges (qui n’accordent généralement pas de grade en sciences humaines), cela représente un nouveau diplômé sur quinze – on ne peut certainement pas parler de surabondance.

Nos collèges offrent également des programmes dont les résultats sur le marché du travail ne vont pas de soi. Si la seule mesure de succès devait être un rendement agressif sur le marché du travail, alors on devrait détourner également les jeunes canadiens de ces programmes. Les sons mélodieux des diplômés de programmes collégiaux de musique de renommée internationale seraient réduits au silence, et ce n’est là qu’un début.

L’exposé suivant de la conférence a été prononcé par Wade Davis, éminent anthropologue et explorateur en résidence de la National Geographic, diplômé d’une université axée sur la recherche. Il a étonné l’auditoire en superposant des réflexions sur la nature humaine, la culture, le pouvoir et les préjugés. Les représentants des collèges, qui savent apprécier les contributions des deux volets de la formation postsecondaire, l’ont ovationné. C’était la charge des hippopotames – et la rivière s’est éveillée.

Martin Hicks est directeur exécutif des Données et statistique au COQES.

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