Catégories

OCDE : Lorsque les bonnes nouvelles ne suffisent pas

Photo de Harvey P. Weingarten

Publiée récemment, l’étude de l’OCDE, Regards sur l’éducation 2012, comporte son lot d’assez bonnes nouvelles pour le Canada et d’encore meilleures pour l’Ontario. Toutefois, elle donne également une nouvelle tournure au vieux cliché, les bonnes nouvelles sont les ennemies des excellentes nouvelles. Au moins deux leçons sont évidentes dans ce rapport de plus de 500 pages qui présente des mesures du rendement des systèmes d’éducation à l’échelle internationale : les dangers de l’autosatisfaction et l’importance des données fiables.
Commençons d’abord par les bonnes nouvelles. Les pourcentages de diplômés d’études postsecondaires ont augmenté dans tous les pays, en particulier chez les générations plus jeunes dont les taux d’obtention d’un diplôme tendent à être plus élevés. L’Allemagne, les États-Unis et Israël échappent par contre à ce constat puisque leurs pourcentages de diplômés d’études postsecondaires (EPS) sont demeurés relativement stables. Pour les Canadiens âgés de 25 à 64 ans, la proportion de diplômés s’élève à 51 %, comparativement à 42 % aux États-Unis et à la moyenne de l’OCDE de 31 %. À ce chapitre, l’Ontario dépasse toutes les autres provinces avec un taux de 57 %. Il va sans dire qu’il s’agit de bonnes nouvelles pour les Canadiens et les Canadiennes qui dépendent d’une économie du savoir dynamique et d’un diplôme d’EPS pour en faire partie.
Le nombre de diplômées d’études postsecondaires continue de progresser et les taux des Canadiennes devancent la moyenne de l’OCDE et ceux des Ontariennes dépassent considérablement ceux du reste du Canada. En fait, les taux d’obtention d’un diplôme par les Canadiennes et les Ontariennes âgées de 25 à 64 ans (55 % et 61 %, respectivement) sont presque deux fois supérieurs à la moyenne de l’OCDE (32 %). Le taux d’obtention d’un diplôme d’études postsecondaires par les hommes canadiens âgés de 25 à 64 ans, à 46 %, est bien supérieur à la moyenne de l’OCDE de 29 %, mais il existe toujours un écart entre les sexes en ce qui a trait à la participation aux études. Une étude menée récemment par le COQES a révélé que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à entreprendre des études postsecondaires. Même si les taux de demandes d’admission à l’université pour les deux sexes ont augmenté au cours de la dernière décennie, l’étude souligne qu’il existe un écart de 16 points de pourcentage entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’achèvement des études postsecondaires – cet écart semble être plus important au Canada que dans la plupart des pays développés.
Les nouvelles données de l’OCDE mettent en évidence l’incidence de la récession mondiale en 2009 et en 2010. En effet, comme le soulignent les auteurs du rapport, « aucun groupe d’individus ou pays – et ce quel que soit son niveau d’instruction – n’est à l’abri des effets d’un ralentissement économique à l’échelle mondiale ». Néanmoins, les comparaisons entre les pays laissent entendre qu’une formation postsecondaire permet, dans une certaine mesure, d’amortir le choc d’une récession. De plus, les membres de la population âgés de 25 à 64 ans du Canada ont été moins touchés que ceux d’autres pays. Si le taux de chômage des personnes titulaires d’un diplôme postsecondaire a augmenté de 31 % au Canada entre 2008 et 2010 (passant de 4,1 % à 5,4 %), le taux de l’OCDE a connu une hausse moyenne de 42 % (de 3,3 % à 4,7 %) et celui des États-Unis une augmentation de 121 % (de 2,4 % à 5,3 %). Les taux de chômage des personnes sans diplôme d’études secondaires ou postsecondaires ont également été très élevés. Le taux du Canada a augmenté de 36 % (de 9,1 % à 12,4 %), le taux moyen de l’OCDE de 42 % (de 8,8 % à 12,5 %) et le taux des États-Unis de 66 % (de 10,1 % à 16,8 %).
Les répercussions de la récession sur les taux de chômage des jeunes (généralement âgés de 16 à 24 ans) sont encore plus révélatrices. Le chômage révèle habituellement la capacité d’adaptation d’un jeune adulte aux incertitudes économiques. Qui plus est, si les taux de chômage demeurent élevés pendant de longues périodes, cela peut créer un « effet boomerang » où un jeune adulte perd progressivement ses compétences spécialisées dans un secteur donné et un salaire concurrentiel qu’il lui faudra peut-être 15 ans à récupérer. Néanmoins, au Canada et un peu moins en Ontario, les membres de la population qui ne sont plus scolarisés et qui ne travaillent pas ont été moins touchés par la récession que dans d’autres pays. Le nombre d’individus qui ne sont plus scolarisés et qui ne travaillent pas chez les jeunes Canadiens âgés de 15 à 29 ans a augmenté de 15 % de 2008 à 2010 (passant de 11,7 % à 13,5 %) tandis qu’en Espagne ce taux est passé de 16,8 % à 23,7 %, c’est-à-dire une hausse de 41 %.
Les indicateurs de l’OCDE fournissent une mine d’informations. Cependant, pour diverses raisons, dont certaines sont plus convaincantes que d’autres, ce rapport annuel de l’OCDE devrait être pris avec un grain de sel. Par exemple, si quelques pays n’ont pas fourni de données pour certains indicateurs, il y a lieu de mettre en doute la fiabilité de certaines moyennes de l’OCDE. Dans le cas du Canada, il convient de s’inquiéter en particulier de l’incidence des restrictions financières imposées à Statistique Canada, qui fournit les données à l’OCDE pour son résumé annuel de la situation de l’éducation et les données fondamentales sur lesquelles reposent les discussions stratégiques fondées sur des données probantes de ce pays. Par exemple, si les taux de diplomation de la majorité des 34 pays de l’OCDE et des huit pays ne faisant pas partie de l’OCDE portent sur l’année 2010, les données du Canada se rapportent à l’année 2009.
De plus, l’année de référence pour le niveau de formation des parents est 2009 tandis que les données du Canada correspondent à 2003. En fait, un nombre inquiétant de données canadiennes sur les études postsecondaires et le travail présentent un décalage d’au moins une année ou deux par rapport à celles des autres grands pays de l’OCDE.
Il faut en outre tirer une autre leçon de ce tableau d’ensemble. Certains pays que nous dépassions auparavant ont réalisé des gains plus importants que nous au chapitre des taux d’obtention d’un diplôme. Si la proportion de Canadiens âgés de 25 à 64 ans titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires a augmenté de 40 % à 51 % entre 2000 et 2010, la hausse moyenne de l’OCDE a été plus rapide que celle du Canada, affichant un taux de croissance de 3,7 % comparativement à 2,4 %. Le taux d’obtention d’un diplôme d’études postsecondaires en Corée du Sud est passé de 24 % en 2000 à 40 % en 2010, correspondant à un taux moyen de croissance annuelle de 5,2 %. Manifestement, il pourrait être dangereux pour le Canada de s’asseoir sur ses lauriers. Il est en outre évident que si le Canada veut maintenir sa position de chef de file dans le domaine de l’éducation postsecondaire à l’échelle internationale, il devra également prendre une position tout aussi convaincante pour la collecte des données. Plus que jamais, un bon rendement ne suffit pas.
Merci de votre attention.
-Harvey P. Weingarten

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *