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Les tendances mondiales relatives au grade de baccalauréat : qu’est ce que l’Ontario peut en tirer?
Le grade de baccalauréat traditionnel a fait l’objet d’un important rafistolage, voire d’une métamorphose, au cours de la dernière décennie, sous l’impulsion de la croissance des inscriptions, du financement limité, des exigences en faveur d’une mobilité accrue des étudiants et d’une harmonisation rehaussée avec le marché du travail.
Dans certains pays, la durée des programmes menant à l’obtention d’un grade a augmenté pour passer de trois ans à quatre ans, pendant qu’elle a reculé pour passer de quatre ans à trois ans dans d’autres pays. Au Canada, où les universités ont toujours proposé de tels programmes mais dont la durée varie, on constate depuis les années 1960 une régression du programme d’une durée de trois ans, quoiqu’il demeure répandu dans certaines provinces. Les programmes collégiaux menant à l’obtention d’un grade de même que les programmes conjoints entre universités et collèges menant à l’obtention d’un grade participent également à l’évolution à ce chapitre au Canada. Dans l’ensemble, on prête de plus en plus attention à l’harmonisation des grades ainsi qu’à la définition et la mesure des résultats d’apprentissage. Qu’est ce que l’Ontario peut tirer d’une telle évolution?
Description de projet
Dans un nouveau rapport commandé par le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur, on approfondit les tendances mondiales relatives aux études de premier cycle de même qu’aux programmes menant à l’obtention d’un grade dans les secteurs dits « non universitaires » ou (en particulier au Canada) ceux des collèges et des écoles polytechniques. Ce rapport, intitulé Autres temps, autres lieux : L’évolution du baccalauréat dans le monde et la situation en Ontario , s’appuie sur une analyse exhaustive de l’environnement, une enquête menée auprès de plus de 850 étudiants universitaires ontariens inscrits à des programmes menant à l’obtention d’un grade de baccalauréat, de même que les perceptions d’intervenants collégiaux et universitaires clés ayant pris part en mars 2011 à un séminaire à ce sujet. Le rapport a été rédigé par l’organisme Higher Education Strategy Associates (HESA).
Constatations
Au cours de la dernière décennie, l’Europe s’est investie dans le processus de Bologne en vue d’uniformiser les grades, dans l’optique d’accroître la mobilité des étudiants et la capacité d’adaptation au marché du travail. Ce processus a mis en branle une série de changements, lesquels ont permis non seulement l’instauration de programmes menant à l’obtention d’un grade de premier cycle en des pays où ils n’existaient pas, mais l’harmonisation pancontinentale de la durée de tels programmes, laquelle s’est établie à trois ans.
Récemment aux États Unis, plusieurs universités ont tenté de mettre en place des programmes menant à l’obtention d’un grade en une période abrégée. Toutefois, des recherches menées en Ontario révèlent que les étudiants ont tendance à prendre davantage de temps pour mener à bien leur programme, bien qu’ils disposent d’options pour obtenir rapidement leur grade. En outre, il ressort d’une étude menée par le COQES que seulement 45 % des étudiants ontariens obtiennent un grade de premier cycle après leur quatrième année d’étude, pendant que 80 % terminent leur programme en six ans.
Dans le contexte de l’étude faite par HESA, les étudiants devaient indiquer s’ils s’inscriraient ou non à un programme d’une durée de trois ans à l’issue duquel ils obtiendraient un grade avec spécialisation, moyennant un surcroît d’efforts pendant leurs études. L’étude révèle que 41 % de ces étudiants s’y inscriraient, motivés fondamentalement par la possibilité d’intégrer rapidement le monde du travail, mais que 59 % ne s’y inscriraient pas, rebutés par les difficultés liées à une charge de cours alourdie.
En règle générale, les participants au séminaire de HESA étaient réticents à l’uniformisation de la durée des programmes menant à l’obtention d’un grade, parce que la création des résultats d’apprentissage, à laquelle ils ont fait bon accueil, pourrait remettre en question la pertinence de la durée des programmes en question.
On a constaté en Europe et ailleurs – notamment en Ontario et dans d’autres provinces du Canada – la tendance d’enseignement non universitaires à offrir des programmes menant à l’obtention d’un grade. D’après le rapport, en Colombie Britannique, où de nombreux collèges permettant d’obtenir un grade de niveau supérieur sont devenus des universités, l’octroi de grades de baccalauréat dans ces collèges semble accélérer l’élimination de la démarcation entre collèges et universités. Si on en juge par les expériences menées ailleurs, il est logique de penser que, faute d’une réglementation appropriée ou d’une orientation politique, l’élargissement du privilège d’octroyer des grades aux établissements non universitaires se traduira principalement par l’atténuation de la distinction entre les établissements d’enseignement collégial et ceux d’enseignement universitaire.
Quant aux étudiants visés par l’enquête et qui suivent un programme universitaire menant à l’obtention d’un grade, ceux qui estiment qu’un grade obtenu dans un contexte différent aurait la même valeur que celui obtenu dans une université semblent peu nombreux; cependant, ils conviennent dans l’ensemble que les collèges sont, davantage que les universités, en mesure de préparer à court terme les élèves à intégrer le monde du travail et d’empêcher le gonflement des groupes d’élèves dans les cours.
Bien que l’échantillon de l’enquête menée par HESA se limite aux étudiants universitaires, les résultats pourraient révéler que, dans la conjoncture politique actuelle, les grands groupes d’étudiants dans les cours et une période prolongée avant d’intégrer le marché du travail ne rebutent pas suffisamment les étudiants universitaires pour que les programmes collégiaux menant à l’obtention d’un grade constituent à leurs yeux une solution de rechange attrayante.
Les auteurs font remarquer que la croissance relative aux grades décernés par les collèges nécessiterait une transition généralisée sur le plan des politiques, étant donné que le régime actuel est conçu pour éviter la concurrence entre universités et collèges. À la rigueur, la capacité concurrentielle dans certains programmes menant à l’obtention d’un grade (administration des affaires, comptabilité ou sciences sociales) pourrait se traduire par une hausse de compétitivité entre régimes, ce qui entraînerait au bout du compte une augmentation de la qualité.
Cependant, d’après le rapport, le délestage aux collèges de l’enseignement traditionnel menant à l’obtention d’un grade de baccalauréat semble peu justifié, car de nombreux enjeux qui ont favorisé la croissance de grades non universitaires ailleurs ne s’inscrivent pas dans la réalité ontarienne. Si certains intervenants pourraient y voir une justification en matière de coûts, nombreux sont ceux qui estiment que les avantages à ce chapitre seront perdus, car qui dit privilège d’octroi des grades de baccalauréat dit nécessairement hausse des coûts d’enseignement. Dans les recherches approfondies à ce sujet, on pourra examiner les coûts d’enseignement par unité d’apprentissage au fil du temps au sein des collèges dont les programmes mènent à l’obtention d’un grade de baccalauréat, de même que le rendement scolaire des élèves diplômés qui obtiennent un grade de premier cycle à l’issue d’un programme d’études collégiales.
Répercussions sur les politiques
D’après les intervenants, la mise au point de programmes conjoints ou en collaboration et menant à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales ou d’un grade universitaire constitue l’une des innovations les plus significatives des dernières décennies. Ils sont d’avis que ces programmes doivent être davantage pris en compte dans les discussions sur les politiques.
Selon le rapport, il se pourrait que l’Ontario se situe au tournant d’une évolution appréciable quant aux résultats d’apprentissage, de telle sorte que les moyens d’évaluer les résultats relatifs aux grades seraient améliorés, ce qui permettrait la mise en place de programmes abrégés menant à l’obtention d’un grade s’il appert que de tels programmes débouchent sur des résultats essentiellement semblables.
Les auteurs proposent de définir uniformément le concept de « crédit » en Ontario, ce qui pourrait entraîner une amélioration du transfert des crédits. Il est également proposé dans le rapport d’élargir la discussion portant sur les résultats d’apprentissage, d’abord par la mise à l’essai de « Tuning », un concept d’origine européenne visant à favoriser la mobilité, le transfert des crédits et la reconnaissance des grades, de même qu’à déterminer ce que les étudiants doivent connaître et être capables d’accomplir au sein d’une discipline. Dans l’un des trois projets à réaliser sur les résultats d’apprentissage au cours des 18 prochains mois, le COQES pilote un projet de type « Tuning » en Ontario, dans lequel il collabore avec les membres intéressés des corps professoraux de collèges et universités en Ontario dans les domaines des sciences sociales, des sciences physiques et des sciences de la vie et de la santé afin de déceler des résultats d’apprentissage, de les mettre en œuvre et de les évaluer. Les résultats de ce projet seront accessibles de façon généralisée.