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Qu’est-ce qu’une université novatrice?

J’ai participé en septembre à un panel sur les « universités novatrices » dans le cadre d’un atelier, qui a eu lieu à l’Institut Perimeter, et dont le thème était l’innovation. Les deux questions suivantes ont été posées aux membres du panel : 1) À quoi ressemble une université novatrice? 2) Ya –t-il des universités novatrices au Canada?

J’ai souligné alors que pour savoir si une université est novatrice ou non, il faut déterminer si elle possède une ou l’autre des caractéristiques (pas nécessairement indépendantes) suivantes :

  1. Elle a énoncé et fait la promotion d’un nombre limité de priorités claires. Pour être novateur, il faut que certaines choses soient beaucoup plus importantes à vos yeux que d’autres.
  2. Elle a ajusté ses processus et ses pratiques pour faire avancer ses grandes priorités. Plus particulièrement, l’université a modifié et révisé ses programmes et ses cursus afin de les harmoniser à ses priorités absolues et que l’enseignement porte sur ces dernières.
  3. Elle a mis fin à certains programmes. Michael Porter nous rappelle que l’essence de la stratégie est de choisir ce qu’il ne faut pas faire. Il n’est pas possible d’innover en essayant de tout faire; le fait de cesser de faire certaines choses de faible priorité permet de centrer son attention sur les priorités élevées.
  4. Elle dispose d’un modèle budgétaire qui lui permet d’affecter (et de réaffecter) de préférence les ressources aux priorités élevées. Il ne sert à rien d’énoncer des objectifs clés sans leur consacrer de ressources additionnelles.
  5. Elle a augmenté ses revenus absolus tout en diminuant la proportion de son revenu total provenant du gouvernement. L’innovation nécessite des montants croissants de revenus entrepreneuriaux provenant de sources non traditionnelles.
  6. Elle mesure son rendement par rapport à des paramètres internationaux convenus d’excellence.

Lorsque j’applique cette liste de caractéristiques aux universités canadiennes, j’en conclus que malgré certains foyers d’innovation (dont certains sont excitantes et exceptionnelles), il n’y a que peu ou aucune d’université novatrice au Canada.

Le fait de penser à des universités novatrices me rappelle un exercice que j’ai fait il y a plusieurs années. J’ai alors demandé à des recteurs d’université de donner des exemples d’innovations d’envergure et importantes dans les universités canadiennes. Seulement deux exemples ont été mentionnés de façon constante : la création de l’école de médecine de l’Université McMaster et l’introduction de l’apprentissage axé sur les problèmes, et l’établissement de l’Université de Waterloo et de son programme d’enseignement coopératif intégré à l’expérience normative de premier cycle. Il convient de noter que ces deux innovations – qui ont été largement adoptées ou qui font l’envie des autres – n’ont pas été bien reçues au départ. En fait, je ne suis pas certain qu’elles résisteraient aux procédures      « d’assurance de la qualité » en place aujourd’hui. La leçon à retenir ici est que pour innover, il faut souvent contrer les tendances. Il faut savoir très clairement ce que nous voulons faire et être déterminé à y arriver malgré le peu de soutien obtenu et les âpres critiques des collègues et des pairs.

C’est ce que disent Henry Eyring et Clayton Christensen dans leur article, The Innovative University:  Changing the DNA of Higher Education (American Council on Education, 2011) qui relate l’histoire des innovations en éducation à l’Université Harvard. Ils concluent de la façon suivante : « La grande force de Harvard… elle a adopté un modèle d’innovation continue axée sur l’importante mission de l’Université et elle ne se préoccupe pas outre mesure de la tradition ou de ce que font les autres universités. » [traduction]

Le Canada serait bien servi par des universités plus novatrices, ce qui signifie qu’un plus grand nombre d’entre elles devront prendre des risques et d’opter pour des directions qui diffèrent des établissements à vocation analogue. Malheureusement, les universités canadiennes ont tendance à essayer de se ressembler et les gouvernements, à les traiter toutes de la même façon.

Que faudra-t-il pour que les universités canadiennes deviennent plus novatrices? Cette question me ramène à l’importance d’une politique publique de différentiation accrue des universités. Le style simple du blogue ne permet pas de développer ces arguments. C’est toutefois exactement cette question qui fera l’objet de la causerie que je donnerai, à l’heure du dîner, à l’Institut C.D. Howe, le 18 octobre.

Merci de votre attention.

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