Les auteurs d’un récent rapport du Conference Board du Canada, Inside and Outside the Academy: Valuing and Preparing PhDs for Careers, se fondent sur les données du recensement de 2011 pour avancer que moins d’un titulaire de doctorat canadien sur cinq (18,6 %) occupe un poste de professeur universitaire à temps plein. Ce nombre baisse à moins d’un sur six, ou 16 %, si ceux âgés de 25 à 64 ans qui font partie de la population active sont pris en compte.
Ces données ont suscité d’autres rapports et une multitude de reportages et d’articles médiatiques qui déplorent le nombre excessif et le sous-emploi des étudiants qui obtiennent un doctorat dans les universités canadiennes. Le rapport du COQES, que j’ai corédigé en 2013 (En quête d’un doctorat? L’attrait, les écueils et les résultats de la poursuite d’un doctorat) présentait le contexte et, de l’avis de nombreuses personnes, les sombres perspectives concernant la nomination des titulaires de doctorat à des postes de professeur permanent.
Le problème est que les données de recensement sur lesquelles le rapport du Conference Board était fondé captaient un instantané seulement des titulaires de doctorat au Canada en 2011, dont près de la moitié étaient des immigrants arrivés au pays avec leur grade. De fait, les données ne reposent pas sur un suivi de la situation des titulaires canadiens de doctorat récents ou actuels.
Ces dernières années, un nombre d’institutions et d’associations canadiennes et américaines a effectué un suivi en ligne qui a révélé que les récents titulaires de doctorat s’étaient trouvé un emploi. En fin de compte, il est facile de suivre les titulaires de doctorat au moyen de leur empreinte numérique, ce qui procure une information abondante, courante et détaillée. Les résultats ne sont donc pas aussi décevants que le laissent entendre le recensement de 2011, le rapport du Conference Board et d’autres sources.
- Une étude de l’American Historical Association (2013) a révélé que 53 % des titulaires d’un doctorat en histoire qui ont terminé leurs études entre 1998 et 2009 occupaient un poste menant à la permanence.
- L’Université Duke a suivi ses titulaires de doctorat de 2003 à 2013 et a conclu que plus de 50 % de ceux du domaine des sciences sociales ont obtenu un poste menant à la permanence.
Le printemps prochain, le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) fera paraître une étude fondée sur les données compilées de recherches Web dans des sources ouvertes, qui dresse le profil de la cohorte des titulaires de doctorat de 2009 des universités ontariennes. Une autre étude nationale est actuellement en cours, le projet TRaCE financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et dirigé par l’Université McGill, auquel participent plus de 24 institutions partenaires de partout au Canada. Cette étude observe les titulaires de doctorat des cohortes de 2004 à 2014 dans certains départements et facultés de sciences sociales. D’ici quelques mois, nous aurons accès à beaucoup plus de données fiables sur la situation actuelle de récents titulaires canadiens de doctorat qui obtiennent un emploi tant dans le milieu universitaire qu’à l’extérieur. Certains seront surpris des résultats, qui sont un peu plus encourageants que ceux escomptés.
Comme l’indique le rapport du Conference Board, il faut sensibiliser les doctorants et les diplômés de troisième cycle à d’autres choix de carrière à l’extérieur du secteur universitaire. Par surcroît, nos programmes d’études supérieures devraient offrir des occasions de mentorat et de perfectionnement professionnel pour préparer les étudiants intéressés aux choix de carrière non universitaire. Sur le modèle de tout ce que nous faisons relativement à la politique d’éducation supérieure, pour obtenir des résultats probants, il faut compter sur une information rigoureuse et fiable qui fait état de la réalité actuelle des titulaires de doctorat.
La poursuite d’études de troisième cycle en particulier exige un investissement substantiel de la part des étudiants, des établissements d’enseignement et des gouvernements. De meilleures données sur les résultats des titulaires de doctorat sont disponibles, et il y a de fortes chances que les études du COQES et du projet TRaCE qui seront bientôt publiées renfermeront une information précise sur les genres d’emplois que les récents titulaires de doctorat obtiennent, surtout à l’extérieur du milieu universitaire. Par la suite, il faudra poursuivre la recherche pour s’informer de leurs salaires et des compétences qu’ils acquièrent dans leurs études doctorales et de la façon dont ils mettent à contribution ces compétences dans différents emplois.
Richard Wiggers est le directeur de la recherche et des programmes du COQES.