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Susan Bloch-Nevitte – Les compétences de base : Nous sommes prêts pour votre gros plan

« Nous savons ce que les employeurs apprécient le plus », annonce la campagne de marketing actuelle du Collège George Brown, que vous pouvez voir dans le métro ou à la télévision. Comme Norma Desmond le disait à Cecil B. DeMille : Je suis prête pour mon gros plan. Il semble qu’on pourrait en dire de même des compétences de base.

http://youtu.be/i4-i0oYl8KU

Vous les connaissez bien – ce qu’on appelle les compétences générales, les compétences essentielles, les compétences améliorant l’employabilité ou, selon la récente description du COQES, les compétences cognitives et transférables supérieures. Celles-ci comprennent la capacité de communiquer, de résoudre des problèmes, de faire preuve de réflexion critique et de travailler en équipe. Selon Karen Thomson, vice-présidente du marketing et de la gestion des effectifs scolaires au Collège George Brown, la campagne était censée permettre au Collège de « se démarquer de la multitude » d’établissements postsecondaires et se fondait sur des recherches quantitatives auprès des employeurs de la région du grand Toronto, qui étaient catégoriques quant aux qualités recherchées chez leurs nouveaux employés. Et quels ont été les premiers résultats de la campagne? Le nombre de candidats pour le semestre d’automne est à la hausse et le suivi de la rétention du message indique une notoriété de premier plan. Traduction : « ça semble marcher ».

D’ailleurs, les études menées par le COQES et une foule d’autres chercheurs aboutissent à une conclusion sans équivoque : la principale raison pour laquelle les étudiants font des études supérieures, c’est de trouver un emploi. Les collèges s’en sont rendu compte en 1965, environ 12 secondes après que le ministre de l’Éducation de l’Ontario alors en poste, Bill Davis, eut déposé le projet de loi 153, qui portait création du système de collèges de la province. À en juger par leurs messages publicitaires, de nombreuses universités sont encore en train d’examiner les rapports de recherche.

Dans leurs campagnes de recrutement sur YouTube, le Collège Loyalist va droit au but (We put you to work), le Collège Canadore aborde l’évolution du marché du travail (Shifting Forward) et le Collège St. Clair ne se gêne pas pour dénigrer les universités (Start here. Go anywhere).

Par contraste, l’Université d’Ottawa adopte une approche classique en mettant l’accent sur la recherche et les classements (L’université canadienne), l’Université de la Colombie-Britannique rend hommage à l’esthétique (This is our world), et l’Université de Toronto met en vedette ses professeurs, qui préparent leurs étudiants à devenir des citoyens du monde (Boundless: Meeting Global Challenges and Preparing Global Citizens).

Cela ne veut pas dire que les universités sont censées imiter la vision intentionnelle du système collégial. Ce n’est ni dans leur nature ni dans leur disposition. Ironiquement, les organismes qui défendent leurs intérêts – le Conseil des universités de l’Ontario et l’Association des universités et collèges du Canada – établissent souvent un lien explicite, tandis que l’organisme homologue, Collèges Ontario, mène la charge dans la revendication du droit de décerner des grades – ce qui assimilerait davantage les collèges aux universités. C’est un peu mêlant mais poursuivons notre raisonnement.

Quel que soit le secteur, « la concurrence est de plus en plus féroce et il faut lutter pour sa part de marché », affirme Ken Steele, expert en marketing et cofondateur de l’Academica Group. La lutte à laquelle il fait référence ne se limite pas aux annonces publicitaires. « La conception du produit est tout aussi importante que sa promotion, et les plus puissantes campagnes de marketing se fondent sur le produit. » Par exemple, l’idée de travail évoque l’Université de Waterloo, qui a ouvert la voie à l’enseignement coopératif et qui conserve une longueur d’avance dans ce domaine.

Mais ce blogue porte sur le message plutôt que sur le leadership visionnaire en enseignement supérieur, qui pourrait faire l’objet d’un futur blogue. Ma question d’aujourd’hui est la suivante : si les étudiants (et leurs parents) sont si préoccupés par les compétences qui les aideront à s’intégrer au marché du travail, les établissements d’enseignement supérieur sont-ils à leur écoute? Selon M. Steele et le professionnel de la publicité Doug Geddie, les collèges le sont davantage que les universités, mais celles-ci commencent à s’aventurer sur ce terrain.

« C’est une question de différenciation », déclare M. Geddie. Pour les universités, ce message se fondait auparavant en grande partie sur la réputation (comme l’Université Queen’s, qui « influence l’enseignement supérieur au Canada depuis 1841 »), la tradition (comme l’Université Western avec son « esprit de corps qui fait l’envie du pays ») et la taille (comme l’Université Nipissing, qui « favorise les liens communautaires »). Ces messages survivent et les bancs des universités restent occupés.

Les 15 grandes universités de recherche du Canada ont encore tendance à accentuer le prestige et l’excellence de leurs recherches, ajoute M. Steele, et certains étudiants de premier cycle sont réceptifs à ce message. Mais il ne fait aucun doute que les étudiants veulent connaître leurs perspectives professionnelles et les universités n’abordent pas directement la question; le message est sous‑entendu. »

Cependant, la question est bien en évidence dans les brochures de recrutement étudiant, où des diplômés passionnés qui ont réussi font valoir les avantages de leur éducation à telle ou telle université. Comme le fait observer M. Geddie, de nombreux établissements ont fait la transition à un message davantage axé sur les étudiants – ce qui est sans doute un premier pas critique vers la prise en compte de leurs préoccupations.

Les campagnes de ce genre comprennent Discover Both Sides of Your Brain de l’Université Brock et UWill de l’Université de Windsor. This is my time de l’Université York va plus loin en présentant des étudiants actuels qui décrivent leurs futures carrières.

Le statut d’élite, les classements et la recherche demeurent toutefois des points essentiels, « parce que les professeurs aiment ça, explique M. Steele. Ils pensent qu’on parle d’eux. »

« Les comités de marketing des campus ne connaissent rien au marketing, souligne M. Geddie. Ils préfèrent nettement parler de prix d’enseignement, de doctorats, des qualifications de leur personnel enseignant et de l’excellence de leurs programmes. C’est généralement ainsi que les milieux universitaires veulent promouvoir leur secteur. » M. Geddie attribue la tendance à diffuser des messages davantage axés sur les clients au recours croissant à des professionnels du marketing et à des techniques publicitaires établies. « Cette tendance commence à infiltrer les universités », dit-il.

« Mais les messages ne peuvent pas être trop directs, ajoute M. Steele. Les universités qui parlent d’emplois pourraient se positionner comme des collèges et elles ne veulent pas prendre ce risque. Nous savons tous pourquoi les étudiants s’inscrivent mais nous ne voulons pas invoquer le marché du travail. C’est une entente implicite. »

Ce qu’il ne faut pas laisser passer sous silence (et le COQES fait sa part pour souligner l’importance des résultats d’apprentissage), c’est la question de savoir si les étudiants de niveau postsecondaire de l’Ontario acquièrent réellement les connaissances et compétences dont ils ont besoin dans leur vie personnelle et professionnelle. Comme le président du COQES, Harvey Weingarten, l’a écrit dans le Globe and Mail, « Bien que la gamme des connaissances et aptitudes que les élèves doivent acquérir durant leurs études postsecondaires fasse l’objet d’un fort consensus, notre ferme volonté en matière d’évaluation ne suffit pas. Nous devons rehausser notre capacité à mesurer si ces aptitudes et connaissances sont réellement enseignées et assimilées dans les collèges et universités de l’Ontario, non pas à des fins de classement mais plutôt en tant que processus d’amélioration. »

C’est là un excellent argument mais il ne se prête guère à une affiche de métro.

Susan Bloch-Nevitte est directrice générale des communications au COQES.

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