Bloggueur invité : Terry Gitersos
J’ai appris de mon propre chef combien il est important pour ceux qui sont en transition postdoctorale, ou s’enlisent dans le chômage à long terme, de compter sur leurs amis et leur famille. La situation difficile dans laquelle je me trouve a été allégée grâce à de nombreuses personnes merveilleuses qui m’ont écouté avec sympathie, prodigué de sages conseils, fait rire et diverti. Sans ces personnes, j’aurais sombré dans la mélancolie.
Par contre, j’ai découvert qu’un nombre désespérément important de mes connaissances ne savent trop comment entrer en rapport avec moi actuellement. Je présume qu’elles sont bien intentionnées, qu’elles cherchent à m’aider et qu’elles me donnent à cette fin des conseils professionnels utiles. Or, trop souvent, leurs conseils ne sont pas ancrés dans la réalité du marché du travail ou, pour comble de malheur, ils résultent d’ignobles présomptions quant à mon éthique de travail. Par exemple, si on m’avait remis 100 $ chaque fois qu’on m’a dit que je devrais entrer au service du gouvernement (comme si les emplois au gouvernement tombaient du ciel), je serais riche à craquer et je n’aurais plus à me chercher un emploi, que ce soit au gouvernement ou ailleurs. Bien sûr que j’ai songé à me trouver un poste au gouvernement. Je ne compte plus les heures que j’ai investies à penser à la recherche d’un emploi au gouvernement, à préparer et présenter des demandes en ce sens, et à tenter d’amadouer les travailleurs du secteur public pour être convoqué à des entrevues en bonne et due forme. À quoi pensez vous que je consacre mes journées?
En outre, la réaction des gens à une décision que j’ai prise récemment est du même ordre, sinon tout aussi déconcertante. Je me suis résolu à présenter une demande d’admission à un collège pour enseignants, ce qui ne signifie pas forcément que je me suis engagé à devenir professeur. Il s’écoulera un an entre la présentation de ma demande en septembre et le début des cours, période pendant laquelle je peux – et je vais – envisager d’autres options. Maintenant, si rien ne se matérialise durant ce temps, le collège pour enseignants est l’option de recyclage la plus acceptable qui s’offre à moi. De fait, j’ai adoré enseigner aux étudiants de premier cycle. En ce moment, je fais dans l’enseignement, le coenseignement ou l’aide à trois groupes différents, à titre bénévole, et j’aime ça aussi. Je suis persuadé que l’enseignement aux élèves de niveau secondaire me plairait tout autant, sinon plus, que n’importe quelle autre voie professionnelle. J’estime qu’il y a là pour moi matière à réjouissance. Certes, peut être s’agit il seulement d’un plan à l’état d’ébauche, mais j’en avais bien besoin : je peux ainsi structurer et tirer au clair ma recherche d’emploi sans m’enfoncer dans la confusion totale.
Mon plan, croyais je, constituait un bon point à faire valoir aux employeurs qui allaient inévitablement me poser des questions sur ma recherche d’emploi. Toutefois, j’ai constaté avec grand étonnement que les réactions à mon plan étaient défavorables et ne m’apportaient rien d’utile, ce qui m’a beaucoup attristé. Évidemment, les objections formulées sont fondées. Certaines de mes connaissances qui travaillent dans l’enseignement m’ont mis en garde : d’une part, les emplois permanents offerts dans ce domaine sont rares et, d’autre part, traiter avec les conseils scolaires, c’est habituellement l’enfer. D’autres m’ont prévu, ayant peut être à l’esprit leur propre passé de fauteur de troubles en classe, que le travail auprès des jeunes risque d’être ingrat et stressant. Qui plus est, quelques uns de mes amis au doctorat m’ont fait remarquer que l’enseignement selon un programme imposé agira sur moi tel un choc indésirable, après la liberté relative dont j’ai joui à l’université. Tout le monde ou presque m’a averti que le fait de composer avec les parents surprotecteurs compte parmi les pires corvées qui existent.
Si je reconnais la légitimité de tels arguments, ceux ci proviennent toutefois de personnes qui, pour la plupart, occupent un poste assuré et sont bien incapables de concevoir la réalité comme je le fais. À mon sens, il ne fait pas de doute que les postes stables en enseignement sont de moins en moins faciles à obtenir. De fait, je sais par expérience que TOUS les emplois pour lesquels je suis qualifié ou qui correspondent à mon profil sont difficiles à décrocher. J’avoue également qu’il me répugnerait probablement de négocier des politiques avec un conseil scolaire. Cela dit, errer sans emploi est infiniment pire. Certes, je peux m’imaginer exaspéré devant la contrainte d’un programme rigide, mais ce ne peut être plus limitatif que de ne pas avoir d’emploi. De plus, la turbulence des jeunes et l’agressivité des parents sont assurément de rudes épreuves, mais savez vous ce qui est absolument plus stressant? Je vous laisse deviner…
Loin de moi l’idée de donner l’impression que je suis entouré de prophètes de malheur qui manquent de perspicacité. J’ai fait un grand ménage dans mes relations, si bien qu’on me manifeste désormais davantage d’optimisme que de pessimisme. Seulement, j’aimerais parfois que mes connaissances soient plus nombreuses à comprendre véritablement ce que j’ai vécu. Mais tel n’est pas le cas et, au fond, je devrais m’en réjouir : je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi – et encore moins aux personnes pour qui j’ai de l’estime – de connaître le chômage à long terme.
Voilà ce qui conclut ma cinquième contribution à ce blogue, et la dernière avant longtemps. L’été semble propice à une pause. Qui souhaite piocher sur un clavier d’ordinateur lorsque le soleil brille? Ma participation au blogue s’est révélée fort agréable, mais je rêve du jour où j’occuperai un emploi stable, si bien que je n’aurai plus de quoi relater mes mésaventures épiques sur le marché du travail. Touchez du bois.